Groupe Kofu - Cours n°3

- Vraiment ?! Mais pourquoi la terre tremble-t-elle alors ? Et qu'est ce qui produit cette fumée si ce n'est pas le Dragon ?

Pan sourit.

- Ca, tu le découvriras bien assez tôt. En route !

Et ils se mirent à gravir la légère pente qui amenait près du volcan. Le sentier avait été encombré par des cendres et des morceaux de bois brûlés, mais il était toujours distinguable malgré tout.
Oui, la terre tremblait de temps en temps, et un sourd grondement montait du cratère de la montagne brûlante. Cela faisait pourtant plus explosion, et quand la fumée s’élançait en volutes étirées dans le ciel, noires et chargées de soufre, l’air semblait prendre clairement un ou deux degrés.

Ils passèrent près de marais bouillonnants, ceux où Pan avait déjà vu des dizaines de dragons-aigles se prélasser. Les énormes bulles de boue qui éclatait, et l’odeur de terre cuite et humide qui s’en dégageait, étaient autant de preuves qu’un humain ne pouvait juste pas s’aventurer dans de tels bains.

Au fur et à mesure de leur avancée, Pan distingua un grondement sourd mais continu, et il sut qu’ils s’approchaient d’une rivière. Une rivière dont la source était quelque part sur l’île, mais qui, avec la proximité du volcan, devait être chaude. La perspective d’une baignade brûlante lui étira les lèvres, et il ne put s’empêcher d’accélérer le pas malgré les nombreux obstacles qui jonchaient le sol.

Et en effet, après un ultime buisson repoussé, le grondement s’intensifia pour se montrer dans une écume virevoltante. La rivière semblait être peu profonde, et en cherchant du regard, Pan trouva ce qu’il cherchait : une sorte d’enclave, comme un trou d’eau, sous une cascade de cinq ou six mètres de haut. Une délicieuse chaleur se dégageait du lit de la rivière, et l’envoleur se tourna vers Laïar.

- Le volcan réchauffe l’eau de la rivière. Un bain chaud, ça fait du bien, surtout après tout ce temps à s’être lavés à l’eau de mer. Toi qui rêvais de t’arrêter dans le village, on va prendre un peu de repos ici.

Souriant largement, Pan posa son sac sur le sol pour réaliser un camp, soulevant au passage quelques cendres qui avaient réussi à percer la barrière de végétaux gras qui entouraient la rivière. Puis, il prit l’initiative de se déshabiller, et de s’enfoncer avec délectation dans l’eau brûlante. Les premiers pas furent difficile, mais une fois immergé jusqu’au menton, il sentit la crasse disparaître presque d’elle-même sur sa peau.

Se glissant sous la cascade brûlante, l’eau martela ses épaules, et il laissa ses cornes se reposer contre la roche érodée.
Qu’est-ce que c’était agréable !




Quelques heures plus tard, il proposa de quoi se dérouiller un peu à Laïar :

- La cascade n’est pas très haute, mais les prises n’y sont pas sûres. On va l’escalader. En haut, le courant sera très fort.

Un sourire détendu étira ses lèvres, et il tendit la main vers la cascade en question, invitant son apprentie à se lancer à son assaut.

- Nombre de forces sont présentes, dans ce simple exercice : celle de l’eau, celle de la roche, celle de l’air… L’univers est toujours un entrelacs de forces, et le Chaos les modèle. Il n’est pas question de les dominer, mais de  se les approprier. L’Envoleur sent l’impalpable, voit l’invisible et touche l’intouchable.

Il posa lui-même sa main sur un premier renflement glissant de la roche. Attendit que Laïar prenne son premier appui, pour la suivre.

Pense à l’eau …
Cette eau qui m’aveugle et me noie.

Pense au courant …
Ce courant qui menace de m’emporter.

Pense à la roche…
Cette roche que déjà je ne sens plus sous mes doigts.

Pan m’a appris à voler pendant la semaine sur le bateau. Je devrais reproduire tous ses enseignements, mais avec quoi me rattraper ? Si je transforme ma chute en plongeon, je m’écraserai contre le fond du trou d’eau. Se pousser contre la paroi ? Impensable !
Mes mains agrippent tant bien que mal les prises glissantes qui passent à portée. Sans y rester. C’est à peine si j’arrive à ralentir ma chute. La cascade, elle, fait tout pour l’accélérer.

Reste calme.
Voilà bien le seul conseil qui m’est utile. J’ai eu tellement peur avant de chuter que j’en suis devenue lucide en tombant. Mes pensées sont claires : il faut que je me raccroche à la paroi, au moins assez pour me freiner. J’avise les prises à travers le rideau d’eau qui bloque mon regard. Mes mains font mouches à chaque fois. Glissent à chaque fois. Puis le miracle : mes doigts s’agrippent à une prise plus saillante que les autres et y restent.
Le trou d’eau est à moins d’un mètre de moi.

Saleté de Pan !!! Chiure de Trodd ! Je savais que j’allais tomber et il n’a rien fait pour me sauver. Démerde toi ? Et bien je vais me démerder pour remonter en haut et lui passer un savon à ce Maitre imbécile et inconscient !!!
La rage afflue dans mes veines, mêlée à ce sang-froid qui ne me quitte pas. Mon cœur se cale sur le rythme de mes mouvements. Fluide et précis. Tout est réglé dans ce monde de folie. Il n’y a pas de hasard dans mes gestes. Rien qu’un calcul savant fait au fil des sensations.

Et puis vient la dernière pierre, celle où on se dit qu’on touche enfin au but.
Je touche au but.
J’avance à présent sur un sol horizontal, face à un danger plus grand qu’avant. La force de l’eau me projettera loin de la cascade et aucune roche ne pourra ralentir ma chute. Sauf que j’ai affronté plus grand défi que ça. Un pivot sur la droite pour éviter un remou traitre. Un plongeon pour filer sous une vague. Pas après pas, je danse dans les eaux pour rejoindre la berge.
Et Pan.

- Espèce de Raï fumé ! Tu m’as laissée TOMBER ?!!!!!!!!!

J’ai tellement envie de lui sauter dessus, de l’étriper et de lui faire payer sa lâcheté ! Mais cet Envoleur que je n’impressionne pas est mon Maitre. Si je l’étripe, qui me guidera ?


[Archi court ... hum ...]

[ J'ai pas fait mieux, désolée ! ]


Il n’avait pas fallu grand-chose pour que l’apprentie prenne la mouche. Pourquoi, parce qu’il disait qu’elle pouvait s’en sortir toute seule ? Il ne comprit réellement pas sa réaction, en elle-même, mais par contre il put voir ses conséquences. Des conséquences qui permirent à Laïar de remonter le long de la cascade, et même de passer le dernier cap où elle avait bloqué quelques minutes plus tôt.

Un large sourire étira les lèvres de Pan, quand elle se redressa dans les remous puissants de la cascade et de la rivière. Se hissant à son niveau, l’Envoleur observa la jeune fille, et surtout son profil. Avant de se glisser souplement jusqu’à la rive de la rivière tumultueuse, attendant que Laïar le rejoigne.
Et apparemment, elle était vraiment en rogne.
Ce qui élargit son sourire.

- Espèce de Raï fumé ! Tu m’as laissée TOMBER ?!!!!!!!!!

Il retint un rire, passa sa main sur son menton, et répliqua, soudain sérieux, en plongeant son regard dans celui de la jeune fille.

- Est-ce que tu es tombée, jeune fille ?

Il n’avait pas pu s’empêcher d’ajouter le « jeune fille » à la fin, car il voyait devant lui une fille qui faisait un petit caprice sans se rendre compte de ce qu’elle venait d’accomplir.
Ne laissant pas le temps à Laïar de lui répondre, il continua :

- Je ne serai pas toujours là pour te rattraper. C’est aussi le but de l’enseignement, du partage : permettre à l’autre de suivre son chemin, sans avoir à interférer, sans avoir à le pousser. Un jour, bientôt, tu voleras de tes propres ailes. Ce n’est pas pour tout de suite…

Son sourire s’était fait plus indulgent, et dans son regard brillait une nouvelle lueur.
Presque paternelle.

- Je ne serai pas là quand tu voudras te venger Laïar. Tu ne devras compter que sur toi-même, et tu le sais très bien.

Je me trouve des excuses, mais toi aussi.




[ Je suis de retouur ! ^^ ]

- Je ne serai pas là quand tu voudras te venger Laïar. Tu ne devras compter que sur toi-même, et tu le sais très bien. Je me trouve des excuses, mais toi aussi.

Mes yeux se rétrécissent une seconde. Pan a vu juste et a répondu juste, une fois de plus. Et ça me vexe. Enormément.
Je lui tourne le dos et m’essore les cheveux, pour me donner une contenance. Je n’ai rien à ajouter. Il a raison mais ça me tuerait de l’admettre. Au départ je plaisantais, mais avec lui la blague est devenue vérité. Je me cherche des excuses parce que ce n’était pas à lui de me rattraper. C’était à moi. De même que plus tard je ne devrais compter que sur moi. Avant il y avait mon frère, mais ça, c’était avant. Et puis compter sur cette demi-sœur ? Sur Anee ? Je n’y crois encore qu’à moitié à cette histoire, trop belle pour être vraie.

- Bon on continue ? Elle était minable ta cascade. Si tu veux que j’apprenne à voler de mes propres ailes, il va falloir me trouver de vrais défis.

Et sans un mot de plus, je me mets à marcher le long de la rivière, jusqu’à atteindre le bord de la « falaise ». Le tumulte de l’eau à mes pieds m’empêche d’entendre les mots de l’Envoleur, si tant est qu’il cherche à me parler. Il vaut mieux qu’il se taise et qu’il me laisse écouter le bruit de la cascade. Elle n’est que violence incontrôlée, un peu comme moi quand je n’arrive pas à canaliser ma rage. Sauf que la cascade se contente de ce qu’elle est. Moi, je dois chercher à devenir mieux.

J’aurais pu descendre par la zone en bordure de la chute d’eau, sauf que je viens de provoquer Pan. Alors comme ça il me faut de vrais défis ? Pourquoi attendre qu’il m’en donne si je peux en trouver seule.
D’un pas prudent, je me replonge dans la rivière et me remet à danser avec elle. Lentement, le temps de réfléchir à la prochaine étape : la descente. Une chose est sure : je vais m’en prendre plein la figure au départ, et c’est là qu’il faudra faire attention à ne pas glisser ni me laisser emporter par l’ardeur des flots rencontrant le vide.
Je trouve un rocher contre lequel je cale un de mes pieds. Puis je me tourne. Dos au vide, je peux voir Pan qui me regarde. Il n’y aura pas d’excuses de mon coté. Que je réussisse ou échoue.
Je saute. Ma main me freine aussitôt en attrapant la pierre que mon pied vient de quitter. Parfait. Sans attendre, je me coule dans l’eau et descends avec elle, enfin presque. Cette fois-ci ce n’est pas une chute libre. Pour quelqu’un d’extérieur, ça pourrait y ressembler vu la vitesse à laquelle je m’efforce de desescalader cette fichue cascade. Je suis sure que pour Pan c’est trop lent. Donc pour moi aussi. Toujours plus fluide … plus rapide … Pense à l’eau Laï … pense à la roche … pense au courant. Et laisse toi porter.

Il ne reste plus que deux mètre avant le trou d’eau. Parfait pour plonger. Puisant ma force dans la roche, je me pousse vers l’arrière, et d’une torsion du corps je me mets en position de plongeon. L’eau tiède m’accueille dans un léger bruit. Mon arrivée n’était pas parfaite, mais comparée à celle de la cascade, je n’ai pas à me plaindre. Il suffit de voir les gerbes d’eau qui inondent les berges pour comprendre que certaines choses n’ont pas besoin de chercher à être parfaites pour être belles.

Une fois de plus, je sors de l’eau sans attendre pour rejoindre nos sacs. Les dragons ne sont pas encore passés par là ! Mes habits, mes affaires et surtout mes provisions sont intactes. Si l’autre insupportable Envoleur veut bien redescendre, nous pourrons continuer notre route.



[Youpi ! Bon retour à la maison ]

- Bon on continue ? Elle était minable ta cascade. Si tu veux que j’apprenne à voler de mes propres ailes, il va falloir me trouver de vrais défis.

Un sourire en coin étira les lèvres de Pan, alors que la jeune fille s’approchait de la cascade, mais dans le sens de la descente cette fois-ci.
Elle voulait de vrais défis ? Si elle en voulait vraiment, elle pouvait les trouver elle-même. Tout de suite, même. Alors, allait-elle vraiment faire ce qu’elle voulait, ou bien était-ce encore un mensonge, un mensonge à elle-même ?

Non, elle le voulait vraiment, car Pan sentit une vague de chaleur déferler dans son torse quand l’apprentie se mit à désescalader la cascade. Un large sourire étira ses lèvres, et il se glissa à sa suite, force tranquille. Pour finir par sauter.
Quand elle perce la surface, nul besoin de mots.

Un large sourire égaye le visage de l’Envoleur.

§§

Deux jours plus tard, ils arrivaient en haut du volcan, tout près de son cratère fumant et bouillant.
La chaleur était impressionnante, étouffante, et pourtant Pan insistait pour qu’ils continuent à courir quotidiennement, et longtemps. Courir dans toutes les conditions, qu’il gèle, neige ou qu’il fasse quarante degrés, était pour lui indispensable. Non pas pour lutter contre les éléments, mais pour apprendre à s’en servir dans chacun de ses gestes, les prendre en compte.

La fumée, noire et épaisse, s’échappait du cratère. On pouvait entendre les gros bouillons de la lave, les bulles qui éclataient à sa surface. Quand les cornes de Pan se penchèrent par-dessus un rocher pour qu’ils puissent apercevoir le liquide brûlant, rouge, et si phosphorescent.
Un sentiment de bien-être intense le parcourut des pieds à la tête, détendit ses épaules et illumina son visage. Il eut l’impression d’être retourné dans son monde, l’espace d’un instant. Sauf qu’il n’y avait pas de dragons dans la lave.

La roche parfaitement noire, creusée de stries profondes dues aux coulées, grinçait parfois sous leurs pas.
Pan désigna une saillie au-dessus de la lave, un peu plus loin, comme un promontoire pour dominer l’immensité rouge et si dangereuse, d’un index.

- On va là.

Et ils se remirent en route.
Ils ne pouvaient pas vraiment courir, à cause de la roche friable et des cailloux formés par la lave refroidie, mais Pan pressait l’allure dans le but de solliciter les réflexes de Laïar malgré la chaleur écrasante. Et plus ils se rapprochaient du promontoire, plus il faisait chaud.

Impossible de se baisser pour toucher la roche de la saillie, elle était beaucoup trop brûlante pour cela. Heureusement, l’homme n’avait pas les cheveux longs, et il avait conscience que ceux de Laïar étaient plaqués contre sa nuque détrempée. Il avait fait des réserves d’eau, heureusement.

Lorsqu’ils arrivèrent enfin au-dessus de la lave, la dominant parfaitement, l’Envoleur soupira.

- Comment tu te sens, ici, Laïar ?

- A la fois étrangement mal et étrangement bien. Cet endroit est le dernier où je voudrais revenir ! Il est trop chaud, trop inhospitalier. Et pourtant …

Pan esquissa un sourire, et laissa son regard voguer sur la surface pleine de bulle de la lave en fusion sous leurs pieds.
Chaud et inhospitalier pour des humains ou bipèdes en tout genre, c’était le cas de le dire. Et en réalité, pour Pan, il n’y avait que les dragons pour adorer ce genre d’endroits par nature. Et peut-être d’autres créatures qu’il ne connaissait pas.

- Et pourtant il me renvoi l’image de mon esprit. Bouillonnant de rage et de folie. J’aime ça. J’ai envie de me dire que c’est vraiment moi cet élément destructeur. La lave est l’instrument du Chaos et moi aussi, pas vrai ?

Un sourire énigmatique étira les lèvres de l’Envoleur, qui laissa son regard planté dans celui de la jeune fille quelques secondes. Peut-être un peu plus.




Ils prirent le chemin du retour le lendemain matin, à peine le soleil eut-il commencé à darder ses premiers rayons à l’horizon. Leur randonnée avait bien pris une douzaine de jours, et un bateau repartait rapidement vers les côtes Alaviriennes.
Pan continuait d’exiger toujours plus de son apprentie, même dans les domaines où il ne pouvait plus vraiment la suivre – par exemple dans l’eau – pour des questions massiques.
La jeune fille continuait à flirter avec ses limites, mais surtout à les repousser. À les repousser toujours plus loin. A les tâter, sans les franchir, toujours à s’amuser avec elles pour les faire fuir.

C’était presque devenu une routine.
Pan se rendait compte que finalement Laïar n’avait plus beaucoup à apprendre de lui. Ni d’un quelconque Maître. Elle était largement prête pour l’Ahn-Ku. Même mieux que cela. Certes, elle avait été prête dès le début de ce cours, et il s’en rendait compte désormais. Mais il avait eu besoin de cette évolution, de cette relation avec la jeune femme, pour pouvoir prendre toute la mesure de ses capacités, et de ce qu’elle était.

Et alors qu’ils franchissaient la lisière d’Ombreuse en courant, il posa sur la jeune femme un regard empreint de tendresse, et de fierté. De fierté, non pas de lui-même, mais de ce petit bout de femme qui ne lâchait finalement jamais rien. Elle avait une volonté de fer, et une envie de vivre impressionnante. Elle méritait toute son admiration.

- Et bien, ce voyage prend fin ici, Laïar. Prends des forces, et ne te repose pas sur tes lauriers.

Lui dit-il alors qu’ils arrivaient devant la grande porte en bois du Domaine. Le colosse la poussa de l’épaule pour l’ouvrir et entrer dans le hall, où plusieurs têtes se tournèrent vers lui, entre la surprise et la peur. Un soupir franchit ses lèvres alors qu’il reportait son attention sur la jeune femme.

- La prochaine fois que l’on se voit… Cela sera pour ton Ahn-Ku. Il lui sourit, avant de lui faire un clin d’œil de connivence. Tu vas tout défoncer.

Il posa sa grande main sur l’épaule de la jeune femme, un sourire sur les lèvres.
Mais maintenant qu’il était rentré, il n’avait qu’une hâte : retrouver Naïs. Et ses enfants.






[Voilààààà pour ce cours ! Whou, j'ai hâte de la suite, je t'envoie un MP dès que c'est posté, mais je pense qu'il va falloir que tu patientes une dizaine de jours ]

Nous ne nous attardâmes pas au sommet du volcan. Pan résistait bien à la chaleur, moi moins. Le but n’était pas de venir s’entrainer en milieu hostile – ça nous le faisions depuis longtemps, à plus faible température – juste de me guider au sommet et de me montrer cette lave. Ce bain de folie tourbillonnante, captivante.
Pan n’a pas répondu à ma question. Il a juste sourit. C’était un oui et bien plus encore. C’était une invitation à répondre moi-même en continuant à avancer sur la Voie. Si je suis ou non de la lave en fusion, c’est à moi de le découvrir. Quand à être l’instrument du Chaos … ça je le sais depuis que je suis née dans la famille des Til’Ziaind. C’est ce qu’on m’a appris dès le début. Je suis juste un outil que les Envoleurs aiguisent depuis quelques années.

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Le voyage du retour fut aussi intense que celui de l’aller. Pan est un Maitre exigeant, intelligent et inventif. Son cerveau est toujours en activité, prompte à me trouver des exercices de plus en plus fou. Et surtout il devient de plus en plus pointilleux. Je ne compte pas le nombre d’exercices qu’il m’aura forcé à continuer après la tombée de la nuit, juste parce qu’un détail lui aura déplu ! Un vrai tortionnaire… ce cœur qui palpite sous sa peau est son seul défaut. Pan peut se montrer gentil, à l’écoute. C’est agréable de pouvoir discuter de longues heures avec lui, posé au sommet d’un arbre, sur un nid-de-pie ou les pieds dans un ruisseau. Il sait créer des espaces dans les journées pour reposer mon corps tout en enrichissant mon esprit.

Les portes du Domaine finissent par se dévoiler à notre regard. Il reste encore quelques heures avant le coucher du soleil. C’est le moment où la lumière nimbe le plus la grande cour intérieur. L’accueil me semble chaleureux. J’ai l’impression d’être grandie par ces rayons se glissant dans mes cheveux pour les faire briller de mille feux. Je ne suis plus la petite apprentie partie il y a plus d’un mois. Je suis presqu’une Envoleuse, à deux doigts de saisir ce titre. A deux doigts de mériter sa greffe.

Nous prenons le temps de panser nos montures et de vérifier leur approvisionnement en paille fraiche, eau et foin. C’est l’occasion de me donner de derniers conseils, superflus. J’ai l’impression qu’il ne se résout pas à me lacher, qu’il continue à parler en oubliant que grâce à lui, je sais déjà beaucoup de choses.

- Et bien, ce voyage prend fin ici, Laïar. Prends des forces, et ne te repose pas sur tes lauriers.
La prochaine fois que l’on se voit… Cela sera pour ton Ahn-Ku. Tu vas tout défoncer.

Son sourire est confiant. Oui bien sur que je vais tout défoncer. Il n’a pas passé de longues semaines à m’entrainer pour que j’échoue. Je lui renvois un sourire complice, avant de lui lancer une dernière réplique moqueuse.

- Tachez de me trouver de vrais défis. Je te rappelle que ce n’est pas une cascade ni un volcan qui me feront peur.

Pan ne répond pas. Son sourire est le seul écho de sa pensée. De toute façon ce test ne sera pas un défi pour moi. Les seuls vrais défis dans ma vie, ce sera à moi de les trouver.
L’Envoleur se détourne pour pénétrer dans l’immense bâtiment de pierre. Pour ma part, je choisis de rester à l’air libre encore un peu. J’ai du mal à croire que ce cours est fini … j’ai besoin de le faire durer encore un peu.

La fraicheur d’Ombreuse accueille mes pas trottinant. Cela fait des semaines que je m’entraine, et si je ne suis pas épuisée je ne trouverais pas le sommeil. C’est pour ça que je repars à la conquête de la forêt en courant. Une bonne heure plus tard, je décide d’escalader un arbre qui domine les environs. J’ai autant d’agilité qu’un écureuil maintenant. Cette grimpette n’est qu’une formalité pour moi.

Perchée au sommet, je laisse les rayons du soleil s’engouffrer à nouveaux dans mes cheveux blonds, leur offrant les dernières lumières du jour. La grosse boule jaune s’enfonce dans la terre, bien loin d’ici. C’est un beau spectacle, certes moins impressionnant que sur la mer. Je le regarde disparaitre, en songeant à cette journée qui s’achève. A ce cours qui se termine.

Il y a une chose que je n’aurais pas dite à mon Maitre …

Tu sais Pan, grâce à toi j’ai l’impression de voler. Chaque chose que je fais est irréelle. Courir, marcher, sauter dans les arbres, nager ou bien escalader. Toutes ses actions n’en sont plus qu’une au final. Et ça je te le dois, toi cet homme venu d’un monde lointain.

Il faudra que je pense à lui dire merci.

A l’image d’une nuit au sommet d’un mat, sourire sur les lèvres, je me laisse tomber dans les airs. Puis je fais ce que je fais le mieux.
Je vole.



[Vivement la suite !]