Groupe Kofu - Cours n°3

La manière dont commença la rencontre ne disait rien qui vaille à Pan, et la suite le lui confirma.
Les gens pensaient toujours qu’il allait les agresser. Pourtant, c’était toujours l’inverse qui se produisait : à la base, il n’était pas du genre guerroyeur ; mais si on l’agressait, il se défendait, et pas à moitié.

Laïar tenta de ne pas tenir compte de la colonne de cavaliers, mais elle se fit apostropher avant d’avoir fait cinq foulées. Un sourire faillit passer sur les lèvres de Pan : il fallait du culot, et cette jeune femme en avant à revendre ! Mais cela ne suffisait pas, apparemment.
Le regard désolé qu’elle échangea avec l’Envoleur eut presque raison de ses zygomatiques, mais il parvint à garder le contrôle de ses muscles faciaux.

Alors, il vit que Laïar détaillait les blasons et bannières présents sur les charrettes et cavaliers. Lui-même n’en connaissait pas un peu : il n’était déjà pas de ce monde, et en plus la plupart des humains avaient peur de ses cornes, donc il évitait autant que faire se peut tous les lieux de rassemblements comme les villes.
Mais il resta attentif à la suite, et l’apprentie le surprit.

- Vous servez les Vil'Karden et les Til'Flenil pas vrai ?

A peine l’homme eut-il légèrement hoché la tête que Laïar l’attaqua de front. De front, par les mots.
Les mots sont des armes, et cette jeune fille semblait avoir déjà intégré depuis longtemps cette leçon.

- Alors montres moi un peu de respect ou tu le regretteras. Tu es quoi … capitaine ? Bien. Laissez nous passer monsieur le capitaine ou ce cher Vil'Karden aura le plaisir de m'entendre lui rapporter le manque de respect d'un de ses subordonnés à mon égard. Je doute que ça lui plaise … surtout qu'il cherche toujours à obtenir les faveurs de MA famille.

Encore une fois, Pan fut surpris, mais pas seulement par la manière dont les choses tournaient. Plutôt parce que Laïar avait tant d’assurance dans la voix et dans les gestes qu’une personne normalement constituée ne pouvait que la croire. Magnifique numéro de théatre. Il comprenait mieux pourquoi elle avait un masque d’arrogance la plupart du temps. Et elle savait très bien s’en servir.
Il restait cependant persuadé que mentir aux autres était un art qui consistait, à la base, à ne pas se mentir soi-même, et accepter ses propres émotions pour mieux les utiliser et les cacher.

- Viens Pan, où nous ne serons jamais à Al-Vor à temps.

Un léger scintillement passa dans le regard de l’Envoleur, qui hocha la tête en baissant les yeux. Il ne put s’empêcher de répondre :

- Oui madame.

Se retenant de pouffer de rire, il fit avancer son cheval derrière celui de la jeune femme, et n’accorda plus un regard aux gardes… les gardant dans son angle de vision malgré tout, pour les surveiller. Cependant, les cavaliers ne bougèrent pas et remirent les caravanes en marche.

Et alors qu’ils dépassaient le dernier homme, Pan s’autorisa enfin à sourire.

– Alors, tu vas aller rapporter le comportement de ces capitaines à ce vilain monsieur ?

Sur le ton de la boutade, évidemment, la réplique avait le but de faire sourire Laïar, mais peut-être ne serait-ce pas le cas. Pan prit cependant le parti d’en faire une critique positive.

- Les mots sont des armes, et apparemment tu l’as très bien compris, et depuis longtemps. Tu viens d’une famille de nobles, apparemment, alors je pense que cela pourrait être même un talent inné chez toi. Les « bien nés » savent utiliser les mots.

Un petit sourire étira ses lèvres, et il ne laissa pas la jeune fille lui répondre : d’une pression de mollets, il lança sa monture au galop, et se contenta de la laisser avancer.

Ils n’allaient pas à Al-Vor.






[ Court, désolée ! ]

Laïar semble tiquer sur quelques mots qu’il prononce, mais n’en dit rien, se contentant de hocher la tête. Oui, les mots sont des armes, des lames tranchantes, et la jeune femme sait très bien les utiliser. Sans doute même mieux que des poignards ou des lames réelles, d’ailleurs, car elle se crée son propre contexte dans de tels numéros qui relèvent du théâtre pur. La lumière se fait sur beaucoup de choses, dans l’esprit de l’Envoleur, alors qu’ils galopent sur la route.

Le chemin qui descend dans le Sud finit par bifurquer, et c’est toujours à la même allure que, sans hésiter, Pan dirige sa monture vers la gauche, et donc vers les Dentelles Vives. Mais ils ne vont pas non plus dans les Dentelles Vives. Il a un projet, un bateau de réservé et des jours d’attente si jamais ils le ratent, ce fichu bateau. Il préfère ne pas trainer, mais ne rien dire à son apprentie : c’est tellement plus drôle, les surprises.






Ils débarquèrent sur la première plage trois jours plus tard, car Pan avait insisté pour qu’ils courent un peu quand même. Les habitudes se perdent vite, surtout quand elles ne plaisent pas forcément. Parfois, il faut se forcer aussi, et si Pan aimait bien courir, ce n’était pas forcément le cas de l’apprentie.

Les sabots des chevaux s’enfoncèrent à peine dans le sable tassé par la marée qui venait de descendre. Un peu plus loin, on devinait un bateau, situé à une trentaine de mètres de la plage, et quelques barques étaient bloquées à terre alors qu’ils avançaient vers elles.

Un léger sourire, presque mystérieux, trônait sur les lèvres de Pan.
Il avait dû marchander un moment avec les pirates pour pouvoir monter sur leur bateau et avoir un lieu de rendez-vous. Finalement, il avait usé de son statut d’Envoleur, et servi un énorme mensonge au capitaine, disant que c’était un Mentaï qui l’envoyait, mais qu’il aurait préféré rester discret. Il savait très bien qu’il y avait un trafic de sphères  graphes avec les pirates, et dans les Archipels.

Ils avaient laissé les chevaux dans une petite écurie d’un petit village le matin-même, et Pan s’avança vers les deux embarcations, où une demi-douzaine d’hommes s’activaient. Un seul était à l’écart, et il le reconnut immédiatement, incitant son apprentie à le suivre pour rencontrer le pirate, et bras droit du capitaine.

- Tu es donc bien là. Nous n’étions plus très sûrs que vous viendriez.

Pan hocha les épaules, et se tourna vers son apprentie.

- Laïar, voici Khurt, le bras droit du capitaine du bateau qu’on a vu à la mer. Il va nous faire embarquer.

Interceptant le regard presque torve que l’homme posa sur son apprentie, Pan se râcla la gorge et s’approcha vivement de son interlocuteur.

- Si un seul de vous touche un seul de ses cheveux, pirates, esclaves ou invités, je lui tranche la gorge et le donne en pâture aux requins. C’est bien clair ?

Khurt avait reculé d’un pas devant la violence que dégageait Pan, et la sorte de chargement qu’il venait de faire sur lui. En baissant le menton comme ça, il avait exposé ses cornes, et c’était vraiment… effrayant. Mais l’homme ne put malgré tout s’empêcher de répliquer, pirate dans l’âme :

- Même si elle est consentante ?

Pan jeta un coup d’œil à Laïar.

- Ce sera toujours sa parole contre la vôtre. Et je la croirait.

Les limites étaient définies, et Khurt hocha légèrement la tête, baissant les yeux, avant de les emmener près des barques. Ils glissèrent sur les vagues qui déferlaient sur la plage, et en cinq minutes, prirent pieds sur le bateau, qui tanguait doucement.

- J’espère que tu n’as pas le mal de mer, Laïar.

Une chambre leur fut assignée, alors que quelques paquets étaient encore rangés sur le pont. Finalement, c’est à la tombée de la nuit que la carcasse du brick s’ébranla pour s’enfoncer dans les Archipels Alines.

L'air marin nous entoure depuis plusieurs jours, et le cri des mouettes ne fait que confirmer notre avancée vers la côte. Notre but se dessine lentement à mesure que se déroule le chemin sous mes pas ou ceux de Samie. La mer. Un bien vaste terrain de jeu pour deux petits humains. Je me demande ce que Pan me réserve là-bas. A coup sûr de la nage en eaux vives. J'ai beaucoup entendu parler des courants marins, aussi invisibles, silencieux et mortels qu'un serpent venimeux. Les braver demande du courage et une bonne dose de folie que je n'avais pas la dernière fois que je suis descendue si bas. D'ailleurs je ne suis pas sure d'avoir plus envie de me baigner qu'autrefois …

Une bourrasque de vent balaye ma figure et me ramène au présent. La nage n'est pas pour tout de suite, car pour l'instant nous courrons. Nos chevaux se reposent tranquillement dans une écurie depuis ce matin, trop encombrants pour la suite du programme. Je comprends enfin pourquoi nous les avons abandonnés quand du sommet d'une falaise nous surplombons une crique abritée des vents. Un bateau de moyenne envergure s'y balance au gré des vagues, toutes voiles repliées. Quelques barques attendent au bord de la plage d'embarquer les hommes qui préparent leur voyage. Je les vois depuis mon observatoire, s'agiter en tout sens pour charger leurs biens, et parfois rejoindre le bateau à bord des petites embarcations.

Pan ne s'attarde pas trop à regarder la crique, pour s'engager sur un petit chemin caché dans les buissons. Je le suis en trottinant, m'efforçant de ne pas faire de bruits. Cela n'empêche pas quelques hommes de nous apercevoir et d'indiquer notre présence à un autre resté en retrait des préparatifs. Il supervise l'embarquement, c'est donc qu'il fait partie des chefs de l'équipage. Il ne se donne même pas la peine de venir jusqu'à nous, attendant patiemment que Pan et moi arrivions à son niveau. Il n'a pas l'air de nous donner beaucoup d'importance …

Il adresse quelques mots à l'Envoleur, tout en laissant son regard dévier vers moi. Je semble être bien plus intéressante que mon Maitre à ses yeux. Je lui renvoie son regard sans ciller. Bras droit du capitaine ou pas, il ne m'impressionne pas et m'effraie encore moins. Pan le prévient qu'il me protégera si on m'attaque, et de façon plutôt violente et définitive. Ne pouvait-il pas juste dire que je risque de tuer le premier qui m'approche de trop près ? Ca devait lui sembler moins dissuasif. C'est vrai que moi, je ne peux pas montrer mes cornes et afficher un air agressif comme le sien. J'aurais l'air plus ridicule qu'autre chose.

Khurt ne cache même pas sa déception, tachant quand même de garder une contenance. Mais son regard baissé montre qu'il a reconnu son Maitre, de même qu'un loup s'incline devant son dominant. Il nous guide jusqu'à une embarcation, celle-là même qui nous emmène jusqu'au bateau. La grimpette par l'échelle me parait insignifiante, malgré ses balancements incessants. Une fois sur le pont, le bras droit nous mène jusqu'à une chambre minuscule aménagée dans la soute. J'espère que le voyage sera court, car Pan risque fort de finir avec un torticolis ! Cette petite cabine n'est pas du tout adaptée à sa forte stature.






Endormie sur ma couche, je ne sens pas le bateau s'élancer vers la mer. C'est seulement quelques heures plus tard, quand mes yeux s'ouvrent à nouveau que je réalise que nous avançons enfin. Le tangage et le roulis se sont accentués. Je sens mon estomac se nouer dans mon ventre, pas encore trop dérangé mais pas tout à fait calme. Pan dort. J'entends sa respiration lente, celle que j'entendais déjà les autres matins où je me réveillais avant lui. Inutile de le déranger. Ce n'est pas sur un bateau que je vais le perdre.

Je me lève et me glisse dans la nuit, hors de la cabine. Dehors un vent léger souffle, gonflant avec douceur les voiles. Tout est calme.
Sans faire de bruit, je m'avance jusqu'à la pointe du bateau. Adossée contre la rambarde, je regarde les étoiles dans le ciel. Je ne sais pas trop ce qu'elles sont, ces petites lucioles accrochées à ce manteau de nuit. Petite j'imaginais des fées, mais maintenant que je ne rêve plus, je ne sais pas trop quoi imaginer. Peut-être qu'un jour un homme les a dessinées, pour guider ceux qui cherchent un chemin, une lumière. Ou peut-être pas …

Un murmure dans la nuit.
Je ne me retourne pas avant que la présence soit dans mon dos. Une haleine légèrement alcoolisée atteint mes narines, en même temps qu'une voix suave se glisse dans mes oreilles.

- Alors mad'moiselle, on a besoin d'aide pour dormir ?
- Non. Merci.

Ne pas se retourner. Décourager cet homme en coupant court à la discussion avec autorité.

- Je peux pt'être vous aider à occuper vot' nuit.
-Non. Merci.

Ma voix devient plus autoritaire. Mais les mots sont vains quand ils n'ont pas de cerveau à atteindre. Une main se glisse sur mon bras puis sur mon épaule. Le pirate se rapproche un peu plus. Redescend sa main. M'aggrippe avec force et me retourne face à lui. Je découvre un visage à la barbe mitée, aux yeux bleu cachés sous d'épais sourcils abritant un regard décidé.

- J'vous promet qu'ce s'ra un bon moment.

Il sourit de toutes ses dents – ou presque, vu qu'il lui en manque une – et rapproche sa bouche de la mienne.

Je pourrais hurler.
Je pourrais le repousser.
Je pourrais attraper sa main, la tordre et le maitriser.
Je pourrais le laisser faire …
Je pourrais aussi le tuer.

Cela me semble une éternité depuis mon dernier meurtre … et cette nuit trop calme mériterait un peu d'animation. Un peu de sang. D'un geste net, je lui offre une vie, ouvrant la gorge du pirate d'un bout à l'autre. Je vole son sourire à cet homme trop entreprenant, le regardant basculer par-dessus bord et disparaitre dans un "plouf" sonore. Il aurait du voir son air quand la lame a touché sa peau ! Il a eu le temps d'avoir peur ce minable. Le temps de comprendre son erreur. Maintenant il aura toute une vie en enfer pour réfléchir à ses actions.

J'arrache un bout de mes vêtements et essuie consciencieusement ma lame, avant de jeter le chiffon par-dessus bord. Pas de preuves. Pas de témoins. Ou presque pas.

- Pan ?

Sur le pont, je devine la silhouette massive de l'Envoleur. Je quitte mon poste et me rapproche de lui, assez pour le voir clairement. Puis je l'interroge du regard, curieuse de savoir ce qu'il a vu et entendu. Il ne répond pas, ne trahissant pas ce petit meurtre nocturne. Il a raison : personne ne doit entendre un mot de cette histoire.

- On monte ? J'ai toujours rêvé d'aller me promener dans les mats d'un bateau.

Je n'attends pas son accord, ni son refus pour m'élancer à l'assaut du mat. Me faufilant à travers les cordages et les barres de bois jusqu'à atteindre la dunette, laissée vide pour la nuit. Bizarrement l'air frais et les évènements nocturnes ont balayé toute nausée de mon esprit. J'ai l'esprit parfaitement clair pour profiter du silence revenu.

J'aime la nuit. C'est elle qui m'a accompagnée quand je fuyais mes cauchemars. C'est une compagne plus subtile que le jour, plus douce aussi. C'est avec elle que j'ai envie de découvrir mes limites, de savourer le monde à mes pieds.

Mes pieds ne restent pas longtemps sur la dunette. Les bras tendus à l'horizontal, je m'avance sur la barre à côté, celle qui tient le sommet de la grand voile. Le vent balaye mes cheveux dénoués et mes habits en toile légère. Mes poils s'hérissent sur ma peau. Il fait froid mais je suis bien là … Je pivote et me retourne vers mon Maitre.

- Tu crois que si je m'élance d'ici je pourrais voler ?

Et je me laisse tomber.




[Une option possible est qu'elle se rattrape dans les cordages en dessous ]

[ Je crois que tu as confondu dunette et nid-de-pie : la dunette c’est la partie arrière du bâteau, où se trouve le gouvernail, et qui est surélevée par rapport au bastingage ; le nid-de-pie est le panier/la plateforme sur lequel se trouve la vigie. Du coup, je pense que tu voulais parler du nid-de-pie, puisque tu parles de sommet de la grande voile. Au pire, MP ! ]


Quelque chose réveilla l’Envoleur.
Quoi ? A cligner des yeux dans le noir, il ne le savait pas vraiment. Tentant de comprendre, il tourne son attention vers la couchette qui est de l’autre côté de la minuscule pièce et n’entend aucune respiration, aucun mouvement. Laïar est sortie. Peut-être est-ce l’absence de respiration qui l’a réveillé, ou peut-être simplement qu’il avait fini son cycle de sommeil.

Alors qu’il allait se tourner pour en recommencer un autre, quelques murmures distincts lui parviennent, et lui tirent un froncement de sourcils. Il a cru reconnaître la voix de son apprentie, et se redresse sur sa couchette, avant de lancer ses jambes hors du lit pour en sortir torse nu.

La clarté de la lune étend son manteau argenté sur le bois du bateau, lui donnant un air presque angélique, malgré les ombres qui rodent.
D’ailleurs, il n’y a pas que les ombres qui rodent, et le bruit d’un homme jeté à la mer vient perturber les clapotements réguliers des vagues contre la coque du grand brick. L’Envoleur s’avance pour découvrir, comme il s’y attendait, la silhouette de Laïar tout près du bastingage.

- Pan ? On monte ? J'ai toujours rêvé d'aller me promener dans les mats d'un bateau.

Il hausse les épaules, mais n’est plus engourdi par le sommeil, qui a été très vite chassé de son regard. Quand un cycle est terminé, c’est tellement plus simple de se réveiller, et de s’activer. Il observe son apprentie grimper le long d’une corde, puis d’un mat, et grimper sur l’échelle qui mène au nid-de-pie.

Il la rejoint quelques secondes plus tard, s’asseyant sur le bord de la plateforme pour observer l’horizon.
L’océan est loin d’être calme, et les vagues dentelées viennent s’éclater contre la proue, éclaboussant le plancher du bateau pirate. Les voiles, repliées pour la nuit, claquent parfois dans le vent. L’ambiance lunaire qui règne sur le bateau, sur l’océan, rempli Pan d’un calme puissant, presque palpable. Il se sent serein, tout à coup, prêt à essuyer n’importe quoi.

Alors, quand Laïar lance :

- Tu crois que si je m'élance d'ici je pourrais voler ?

Il se contente de sourire et de la regarder s’élancer. Ou plutôt, se laisser tomber.
Il a cette certitude qu’elle se rattrapera. Quelques voiles horizontales, des haubans solides et des esparts disposés un peu chaotiquement sont des prises sûres, à condition de ne pas s’y brûler la peau. La manœuvre n’est pas facile, le contrôle de la chute non plus.

Pas facile n’est pas impossible.
On ne peut pas parler de voler, l’être humain n’est pas fait pour voler, rien que sa conformité ne s’y prête pas : le cerveau a besoin d’une pression constante, et la boite crânienne n’aime pas les différences de pression ; les os sont pleins, et rien n’a été conçu pour que les humains défient la gravité, dans leur nature même.
On peut parler de chute contrôler, qui apporte néanmoins une sensation sans doute très proche du vol ; même si ce n’est pas aussi long.

Alors, Pan attend que l’apprentie remonte, et lui sourit.

- Pense-tu que les hommes puissent voler ?

[Ah zut je ne savais pas ^^' oui je pensais au nid de pie.]

- Non. On peut sauter et avoir l'impression de voler, mais ce ne sera jamais vraiment ça. A moins de devenir un magicien ... ou un oiseau.

Petit silence

- Et toi ? Tu penses qu'un envoleur c'est fait pour voler ? Pour s'envoler ?

- Les barrières ne sont que dans notre perception, que dans notre esprit...

[ Petit sourire ]

- Je viens d'un autre monde, littéralement. Je suis parti à l'aventure, et après une rencontre facheuse, quelques circonstances étonnantes et une porte, je me suis retrouvé près de l'Oeil d'Otolep, qui m'a mit hors combat.
Dans mon monde, il n'y a pas d'humaisns. Parfois, les espèces se ressemblent, parfois non. Il n'y en a pas une qui domine les autres, on vit simplement avec, car a priori, nous sommes tous intelligents, même si c'est de manière différente, et chacun a ses points forts de son côté.
Les combats ne surgissent d'entre les clans d'une même espèce, et à cause d'un évènement, mais c'est très rare.

Ca a l'air calme et paisible, mais cela devient aussi ennuyeux, au bout d'un moment. Enfin, je parle pour moi... C'est pour ça que je suis parti à l'aventure.

- On n'est pas venu me chercher, je suis venu trouver le Chaos. Dans mon Monde, chacun a ses croyances, mais trois Entités se distinguent car rassemblant le plus d'adeptes : Tarrabj, la Terre-Mère ; Jinkantt, les Cieux-Puissants ; et Worthü, l'Equilibre-Déchu.
Devine lequel a berçé mon enfance, les croyances de mon clan ?

Ce n'est pas tant une histoire de perte d'équilibre, mais surtout d'influence de l'équilibre. Tout influence l'équilibre, et tout doit être considéré comme tel.

Je suis venu trouver le Chaos, parce que c'est ce qui me parle le plus. Ma mission est de faire pencher l'équilibre.
Ma Maître m'a mené sur la Voie pendant 3 ans complets. J'ai passé mon Ahn-Ku six mois avant la fin de mon apprentissage.

Je suis Maître depuis peu. Les seules obligations que j'ai, c'est vis-à-vis de mes apprenties. De toi, et de Khamill. Parfois, on me dépêche pour des missions, mais c'est rare. Je vis ma vie comme je l'entends, et comme je perçois mon devoir, voilà tout. Si je voulais oeuvrer réellement pour le Chaos, je pourrais remplir d'autres missions, m'impliquer plus ; mais j'oeuvre pour Worthü, car mon monde n'est pas le vôtre, mais chaque monde apporte un équilibre à l'Univers.




[ Oulala, je crois qu'il s'emballe x) ]

[Oh que c'est beau ! Je suis bluffée ^^ Moi par contre je ne suis pas très inspirée ... ]

- Mais avant il faut trouver son propre équilibre ... et ce n'est pas mon cas ... Elle l'a trouvé cette "Khamill" ? Tu ne m'avais pas dit que tu avais une autre apprentie.

[Ca sent la jalousie tout ça :p]

[ ^^ Merci, mais j'avoue que c'est Pan, pas moi ]


- J'ai fait le premier cours de Khamill avant de te rencontrer la première fois. Elle fait ses premiers pas ici, l'équilibre est loin d'être encore là.

Une question pour toi : à ton avis, pourquoi n'as-tu pas encore trouvé ton équilibre, si avancée dans ton apprentissage ?

Pan écouta silencieusement Laïar.
En effet, elle parlait de la haine comme d’un animal de compagnie auquel elle s’était profondément attachée. Il sourit quand elle anticipa sa question suivante, et hocha la tête quand à la réponse à cette interrogation qu’il n’avait pas formulée.
Elle ne savait pas ce qu’elle voulait. Pourquoi se sentait-elle menacée ?
Elle restait sans doute évasive avec cela car elle n’avait pas réellement envie d’en parler. Elle cherchait une solution à son problème, et la solution qu’elle avait trouvée était de venir à bout de la menace. Cela était logique, et rationnel, cependant Pan doutait que cela suffise : en supprimant définitivement une menace, surtout humaine – car il ne doutait pas de la nature de cette menace, elle ne pouvait être qu’humaine – d’autres apparaissaient pour se venger, eux aussi. Et cela était un cercle sans fin, vicieux et fermé.

Même en faisant suffisamment peur aux humains, certains étaient toujours assez fous pour croire qu’ils avaient leur chance. Et cela ne s’arrêtait jamais réellement : il y avait toujours quelqu’un pour retrouver une trace, pour réaliser une vengeance ; ou bien des envoyés de personnes qui n’avaient pas les capacités mais les moyens pour parvenir à réguler leurs désirs de mort.

Haussant les épaules, Pan posa ses mains sur le mât et poussa un léger soupir.

- C’est un cercle vicieux. Tu penses qu’en te débarrassant de la menace, tu seras tranquille ; mais il y aura toujours quelqu’un pour vouloir venger, rendre justice, et traquer à nouveau.

Se redressant, l’Envoleur prit une grande inspiration, et posa sa main sur l’épaule de Laïar. Geste rassurant, amical, et même tendre. Parce qu’il s’était attaché à la jeune femme, pendant les jours de trajet, il s’en rendait compte.

- Je retourne me coucher.

Il adressa un sourire à la jeune femme, puis descendit souplement, utilisant les cordages comme des lianes, aussi silencieux que les ombres de la nuit.
Une fois sur le pont, il leva les yeux vers Laïar, et haussa les épaules. Il espérait qu’elle trouverait la paix. Il allait essayer de l’aider, mais n’était pas certain de pouvoir le faire ; elle ne savait pas ce qu’elle voulait, même si elle savait ce qu’elle ne voulait pas : Etait-ce suffisant ?

§§

Le voyage sur le bateau dura une bonne semaine.
Chaque jour passait et se ressemblait. Mais ce n’était pas pour autant que Pan négligeait ce qui restait à apprendre à Laïar : les exercices étaient de plus en plus compliqués, et nouveaux.

Il la fit nager, sauter, grimper ; il lui apprit à utiliser le vent pour planer, pour être supportée ; il lui montra qu’il charriait des tas d’indices sur ce qui pouvait exister autour d’eux ; les océans et l’eau salée avaient des secrets que personne n’avait encore jamais découverts.

Parfois, la nuit, quand le bateau jetait l’ancre, Pan faisait descendre Laïar dans l’eau, et ils nageaient encore des heures, faisaient de l’apnée, et apprivoisaient l’océan. Car si l’Envoleur n’était pas à l’aise avec l’eau, cela ne voulait pas dire qu’il devait négliger l’apprentissage de son apprentie dans cet élément qui les entouraient depuis des jours.

Puis, alors que le soleil était à son apogée, le huitième jour, et que Pan et Laïar étaient en pleine séance d’assouplissements, le guetteur cria « Terre en vue ! ».
Tout le monde s’affaira vite sur le bateau, et quelques heures plus tard ils accostaient dans un port inconnu, avec des gens dont la couleur de peau, chocolat soutenue, les observaient avec intérêt et curiosité. Néanmoins, Pan ne s’attarda pas dans le port, et ils allèrent s’approvisionner en nourriture avant de sortir de la cité.

- Tu vois la montagne là-bas ? On va aller l’explorer.

S’il avait seulement voulu faire escalader Laïar, il ne serait pas venu aussi loin, c’était un fait.
Mais alors qu’ils se mettaient en route, dans une course tranquille mais efficace, le paysage changea brusquement : tous les arbres, toutes les plantes étaient brûlées, plus aucune feuille ne persistait sur leurs branches. Le sol, recouvert d’une fine poussière grise en abondance, craquait souvent sous leurs pas ; et de nombreuses failles jonchaient la terre sous leurs pieds.

- C’est un volcan.

Un volcan relativement actif. Une sorte de grondement surgit des entrailles de la terre, et une fumée sortit du haut du volcan.
Un petit sourire étira les lèvres de Pan. Parfait.

[ Oulala, supra court,mais je ne voulais pas faire juste un dialogue ! ]


- C’est vrai que le Dragon vient passer du temps dans les volcans ?

La question surprend Pan, tout simplement parce qu’il ne pensait pas que les dragons existaient en Gwendalavir. Dans son monde, beaucoup d’espèces se partageaient la terre et les océans, et les dragons faisaient légion dans les forêts tropicales ou dans les endroits chauds, comme les déserts…. Et aussi à l’abord des quelques volcans qu’il connaissait.

Les plus grands étaient les plus rares, et en croiser un dans sa vie était signe de chance, selon les légendes. Pendant son périple pour trouver la Porte, Pan en avait croisé un. Les plus petits – les dragons-aigles – cherchaient toujours des ennuis, pépiaient affreusement fort et faisaient des nids partout ; mais ils savaient communiquer avec les êtres humanoïdes de son monde. Les grands – ceux qui ne cessaient jamais de grandir et dont le mode de reproduction était un casse-tête sans fin – n’aimaient pas se montrer, mais leur esprit était tellement développé que cela effrayait, la plupart du temps.

Fronçant les sourcils, l’Envoleur tourna la tête vers son apprentie.

- Vous avez des dragons ici aussi ? Enfin, peu importe. Oui, les dragons-aigles adorent faire leurs nids dans les cendres chaudes et les marais bouillonnant qui bordent les volcans. Une fois, j’en ai vu un prendre un bain de lave.

Faisant une pause, Pan se dit qu’il était peut-être allé trop loin, à raconter autant de son monde à son apprentie. Cela n’avait rien à voir avec Gwendalavir, et sans doute s’égarait-il complètement.

- Mais je n’ai jamais vu de dragon ici, en Gwendalavir. Peut-être ont-ils d’autres habitudes.