Groupe Manz - Cours n°1

L'attente ne fut pas longue. Acqua était bon nageur, et avançait à bon rythme. Le soleil, qui se reflétait paisiblement sur la surface du lac, promettait une belle journée.

Rapidement, Pia indique ma position, et je me redresse pour leur faire un signe de la main et me met debout. Une fois tous réunis, Pia commenta la nage de Acqua.

"- Acqua, tu te débrouilles plutôt bien dans l’eau. Attention, tu restes peu efficace : tu accélères de manière un peu chaotique. Ne pense pas à l’eau comme à quelque chose à repousser, mais un autre élément dans lequel évoluer. C’est toi qui bouge, pas elle. "

Sourire au lèvres, elle se tourne vers moi. Sa voix me semble un peu fluette comparée au ton parfois employé jusque là.

"- Je ne t’ai pas vu nager, puisque tu es parti en avance…"
*Logique*
"- Ca serait bien que tu me montres, sur une vingtaine de mètres, comment tu te débrouilles. Tu fais l’aller normalement, et le retour en accélérant, s’il te plait."
*... S'il me plait ?...*

" Avec joie !"  répondit-je gaiment. Ainsi, cela dissiperais -ou du moins atténuerais- le surplus d'attention qui lui était accordé. Était-ce lié à sa blessure ? Si oui, pas d'inquiétude à avoir. La fraicheur de l'eau m'avait engourdit le flanc.

Je m'approcha tranquillement du bord, profitant d'une légère brise. Me tournant face à Pia et Acqua, puis me laissa choir en arrière, faisant volte-face durant la chute. Je fit l'aller retour tel que demandé, avant de me hisser de nouveau en notre repère éphémère. J’eus droit a mon tour à une critique, que je pris bien soin de mémoriser.

Pia s'avance a son tour sur le bord du rocher.

"- J’aimerais voir comment vous plongez, puisque vous savez nager. Soyez efficaces, les fioritures ne servent à rien. Je vous montre."

J'observe alors de mon mieux la façon dont elle plonge. Je n'ai eu que très rarement l'occasion de le faire. Julie, Amy et moi allions généralement dans des rivières qui ne comportait guère de plongeoirs ...

Pia remonta rapidement à la surface de l'eau, puis jusqu’à nous.

"- A vous. Montrez-moi ce que vous savez faire."

Je m’avança spontanément, fléchit les genoux. Il serait vain de tenter de reproduire exactement le saut de Pia, mais peut être qu'en adaptant la posture, et en s'arquant tout de suite... je me courbait le dos, sauta en mettant les mains en pointe entre l'eau et ma tête. dès que je fut dans l'eau, je me redressa au mieux pour remonter à l'air libre.
Je prit une bonne inspiration, me dégagea un peu les cheveux avant de rejoindre les autres. Mon pantalon était trempé, et je commençais presque à regretter d'en avoir un si lourd.

J'attendais le saut du suivant, observant et décortiquant une fois de plus la gestuelle. Mon attention et ma curiosité était de retour au galop.

Je fus surpris d'entendre la voix de Lumytros s'élever pour me parler. Belle réponse? J'hésitai une fraction de seconde avant d'empoigner fermement la main du garçon. Il m'avait offert ses excuses, et je ne voyais aucune raison de les refuser. Peut-être qu'un jour, nous nous entendrons mieux. Pour l'instant, son pardon était un premier pas vers la paix. Nous n'étions pas amis, mais ce geste le fit remonter dans mon estime et j'écoutai sa réponse sans répliquer. Sa réponse était plutôt juste, et surtout en harmonie avec l'idée que je me faisais moi-même de la liberté marchombre, et je le regardai en acquiesçant, lui démontrant mon accord. La définition de la liberté d'Acqua, par contre, me sembla un peu minimaliste, bien que juste.

La répartie de Pia me choqua. Plus, même, elle me secoua. Se pourrait-elle qu'elle ait raison? Mes paroles n'avaient-elles pas été en complète opposition avec mes gestes précédents? Sentant la colère monter à nouveau, autant contre moi-même que contre Pia, je me retirai, allant m'assoir à l'écart pour me calmer et réfléchir. Je savais bien que je n'avais aucune raison de lui en vouloir, ses paroles n'avaient rien eu de méchants, mais j'avais l'impression de lui chercher des défauts pour lui en vouloir, pour avec raison d'être en colère. Pourtant, je n'étais pas idiot, loin de là, et je savais très bien que je ne pourrais pas apprendre dans cet état d'esprit. Je me détestai pour avoir autant de difficulté à gérer ma colère, et je maudis mentalement mon idiot de père qui m'avait légué cette caractéristique si difficile à gérer. Je ne contrôlais pas mes montées de colère et plus encore, j'avais de la difficulté à les résorber. Même lorsque je croyais le combat gagné, comme tout à l'heure, la colère revenait, telle une vague qui m'engloutissait sans que je puisse rien n'y faire.

Je ressentais les symptômes de mes grosses colères, et je ne pouvais pas rester près des autres, car malgré que j'essayais de me raisonner, je sentais que ce ne serait pas suffisant. Je sentais le noir m'envahir. Dans mon cas, être noir de colère n'était pas qu'une expression à la noix, mais bien un état très difficile à vivre, aussi physiquement qu'émotionnellement. Lorsque le noir m'envahissait, cette colère incontrôlable, je ne voyais plus rien, je n'entendais plus rien, c'était comme si je devenais quelqu'un d'autre. Je pouvais attaquer n'importe qui, même des gens auxquels je tenais. C'était comme si je ne ressentais plus la douleur. Le pire, c'était l'amnésie qui suivait ce moment-là. Je ne me souviens jamais de ce que j'ai fait pendant ma crise, par la suite. Je me souviens, à un moment, je m'étais « réveillé » avec un pied cassé. J'avais appris, par la suite, que lorsqu'un homme avait réussi à me maîtriser, j'avais frappé avec mes pieds dans les murs de briques qui nous entouraient tellement fort que je m'étais brisé le pied.

Sans réfléchir, je pris l'arbre qui était dans mon dos d'assaut. Ses premières branches étant basses, je pus facilement grimper. Lorsque je fus en haut, je redescendis, puis remontai encore, puis encore, jusqu'à ce que mon activité me fasse oublier ma colère, ou du moins, me change les idées quelque peu. Lorsque je m'arrêtai, je dirigeais mon regard vers le petit groupe. Lumytros était sur un rocher qui se dressait dans le lac, et Acqua et Pia le rejoignait. Soupirant, je me décidai enfin. Descendant de l'arbre, je m'avançai vers l'eau, hésitant. Puis, voyant Acqua atteindre le rocher, je me décidai. Je retirai ma tunique, ne gardant qu'une camisole blanche et mes pantalons. Je ne réfléchis pas en m'avançant dans l'eau, même si je faillis reculer lorsque l'eau atteignit mes chevilles. Je continuai cependant, finissant par m'immerger complètement dans l'eau froide.

Je ne pris pas le temps de réfléchir : cela aurait pu m'être fatal et réduire ma motivation à néant. Je pris la direction du rocher, nageant d'un crawl rapide et efficace. Je n'aimais pas l'eau froide, mais cela ne m'empêchait pas d'être un très bon nageur, et j'avais mis de nombreuses années à perfectionner mes techniques de nage avec Cobe. Je ne m'attardai pas dans l'eau. Le rocher n'était pas très haut et présentait de nombreuses prises. J'en saisis une d'une main, m'extirpant de l'eau. Je montai vers le haut du rocher, poussant avec mes pieds lorsque mes mains ne suffisaient pas. Enfin, je me retrouvai au niveau du groupe. Alors qu'elle faisait recommencer Lumytros, qu'elle n'avait pas bien vu nager, je me retournai vers elle.

- Je tiens à m'excuser pour mon comportement depuis le début de ce cours. J'ai eu besoin de m'éloigner pour réfléchir, mais je vais maintenant me plier à tes exercices, même si cela implique de retourner dans l'eau froide, dis-je avec une grimace de dégoût, mais toutefois amusé. Tu as raison, mes gestes contredisent mes paroles et je ne tiens pas à ce que cela se répète, même si cela risque de se reproduire vu mon caractère intraitable , dis-je en riant. Mais je promets de faire des efforts.

Lumytros nous rejoignit et après avoir reçu quelques conseils de Pia, celle-ci nous envoya de nouveau à l'eau :

- J’aimerais voir comment vous plongez, puisque vous savez nager. Soyez efficaces, les fioritures ne servent à rien. Je vous montre.

Après une démonstration aussi simple qu'efficace, ce fut à notre tour. Lumytros fut le premier à se lancer, et si son plongeon n'était pas aussi bien que celui de Pia, il était réussi. Je n'étais, de mon côté, pas un très grand plongeur, mais je connaissais plus ou moins la technique. Alors que Lumytros remontait, je m'approchai du bord. Je déglutis, appréhendant la température de l'eau. Je n'hésitai toutefois pas trop longtemps, voulant démontrer ma bonne foi pour la suite du cours. Pliant les genoux, je poussais sur ceux-ci, balançant mes bras vers l'avant au même moment. Je m'arquai bien en pointant les pieds pour toucher l'eau correctement, veillant à garder une courbure adéquate pour mon dos. Touchant à l'eau, je battis des pieds, remontant à la surface. Je remontai rapidement, des frissons désagréables parcourant ma peau. J'avais froid, mais rien ne pourrait ébranler la volonté que je ressentais à ce moment.

[ Bon... Je vais arrêter d'attendre les uns ou les autres, je pense. Je posterai tous les 8 jours si l'un de vous trois tarde un peu à répondre, parce qu'à ce rythme, on n'a pas fini... et c'est dommage pour vous !
Si vous devez vous absentez, merci de poster dans la partie des absences pour que je sois au courant. Vous pouvez reprendre le cours quand vous voulez, pourvu que vous détaillez tous les exercices que vous avez manqués. ]



- Lumytros, ne te courbe pas exagérément, ta ligne du dos est plutôt droite. Essaye de plus te propulser vers le haut pour bien avoir le temps de basculer jusqu'à l'eau.

Notch, ta cambrure n'était pas trop mal, cependant tu appréhendes toujours, je le sens bien. Prends ton temps, respire, calme-moi.

Le but n'est pas de plonger à tout prix, le but est vraiment de marier technique et sensations. L'eau est un élément comme l'air, il faut simplement s'adapter. Essayez encore !

- Attend, tu veux dire que tu ne sais pas nager?

- Tu veux que je dise quoi d’autre? Je n’ai jamais appris.

- Bah je vais t’apprendre! Tu ne peux pas passer ta vie sans savoir nager!

- Notch, ce n’est pas raisonnable, je suis deux fois plus lourd que toi, ça pourrais être dangereux!

- Tu seras plus léger dans l’eau Cobe, je pourrais te retenir! Allez, je t’en supplie, on meurt de chaud aujourd’hui et j’ai vraiment envi de plonger a l’eau. On pourrait aller au lac juste à côté, mon oncle me prêtera des chevaux!

C’est en maugréant que Cobe accepta de me suivre jusqu’au lac. Sachant le lac profond, je m’élançai du haut d’un gros rocher, plongeant dans l’eau et invitant Cobe à venir me rejoindre. Je me rapprochai du bord jusqu’à ce que j’aie pied avant que mon ami me rejoigne. Nous avions à peine douze ans.

*****

Une jolie fille était assise à l’arrière de mon cheval, me serrant par la taille. Le soleil se couchait doucement, teintant le ciel d’une magnifique teinte rosé. Ma prise du soir était sous le charme alors que je l’amenais près du lac, un sourire en coin sur les lèvres. Le vent jouait avec nos cheveux, imprévisible. Rapidement, je sentis la jeune femme en arrière de moi bouger. Ses lèvres se posèrent sur mon cou et ses mains, serré autour de ma taille, se dénouèrent pour toucher mon corps. Étouffant un soupir, je lançai mon cheval au galop, voulant arriver au plus vite. Lorsqu’enfin j’arrêtai l’animal, tout mon corps était en feu. Enlevant prestement mes vêtements, j’arrachai les siens et la poussai à l’eau. Sautant sur le gros rocher qui nous surplombait, je plongeai, rejoignant cette sensuelle demoiselle dans l’eau rosé du lac.

*****

Plonger. Encore et encore. Sans réfléchir, sans penser, plonger pour se changer les idées, pour oublier. Plonger, car quand on plonge, plus rien n’existe, plus rien n’est important, rien d’autre que l’eau et le ciel et ce rocher duquel on s’élance pour lier le ciel et l’eau dans un échange harmonieux. Plonger.


Lumytros a plongé à nouveau. Ayant écouté les recommandations de Pia, je le suivis, plongeant à nouveau. Par mes souvenirs, je m’étais calmé, j’avais repensés à mes anciens plongeons, je m’étais rappelé et j’avais arrêté d’anticiper. Oui, l’eau était froide, oui, ma peau était couverte de frisson à chaque fois que mon corps émergeait de l’eau, mais ce n’étais pas important. Je savais plonger, et je pouvais m’améliorer. Je savais que cela avait une importance. Je me rappelai de ce moment, ce moment où j’étais allé au lac après avoir perdu Cobe. Ce moment ou, sous un soleil de plomb, plus rien n’avait eu d’importance, ce moment ou j’avais plongé jusqu’à en tomber d’épuisement pour oublier la douleur de la perte.

Cette journée là, j’avais ressenti l’harmonie des vagues et la douceur du ciel, j’avais ressenti l’effet de mon corps sur un courant calme, mais bien présent. J’avais ressenti la beauté d’un plongeon harmonieux dans une nature sauvage et discrète. J’avais ressenti l’âme des marchombres sans même en connaître l’existence. Ici, sur ce rocher surplombant le lac, si semblable à celui auprès duquel j’avais vécu tant de chose, cette sensation revint. En plongeant, l’harmonie du ciel dur et de l’eau froide s’unirent alors que l’eau perlait sur mon corps humide, alors que le vent se fendit pour permettre à l’eau de m’accueillir. Les yeux fermés, j’écoutai le vent siffler a mes oreilles et, lorsque mes doigts touchèrent le liquide, j’eu l’impression que l’eau m’accueillait et que je tutoyais le lac. Ce qui dura en réalité une seconde me paru comme une éternité d’harmonie. Les remous se calmèrent alors, beaucoup moins sauvage que la première fois. J’apprenais.