[-16] On peut trouver du bonheur même dans les endroits les plus sombres : il suffit de se souvenir d'allumer la lumière [Pan]

≈≈≈ Naïs ≈≈≈

Allons changer le Domaine alors !

La réponse de Pan me tire un éclat de rire tandis que je récupère Makeno dans mes bras. Immédiatement il attrape mon bras de ses petites mains avec une force insoupçonnée et commence à mordiller mon épaule, affamé ! Et il n’est pas le seul de toute évidence car Seth bondit pour se glisser juste entre moi et Pan, encore hors d’haleine après avoir sacrément ri avec Atal cinq minutes plus tôt. Sa voix s’élève dans l’air – et à mon grand étonnement, je remarque que le son de sa voix se teinte d’autres couleurs, plus graves – sur un ton de protestation.

- « Moi aussi, j’ai faim ! » s’exclame-t-il.
- « Je suggère que l’on trouve une auberge, j’ai les crocs aussi » renchérit Nwëlla qui nous avait rattrapé d’un pas tranquille.
- « Ah ! C’est vrai que tu manges pour deux toi maintenant ! » la taquinais-je un instant.

Les derniers rayons du soleil disparaissent à l’horizon alors que nous entrons tous ensemble dans l’auberge de La Dame située à quelques encablures du port – s’il était possible d’appeler cela un port – où nous avions débarqué. Rires et bonne humeur nous enveloppe agréablement depuis quelques jours ; le tenancier, amusé par la joyeuse troupe que nous formions, nous offre le gîte et le couvert pour les trois enfants qui ne tardent d’ailleurs pas à s’effondrer de fatigue directement après le repas – surtout Makeno et Opale à vrai dire. Il faut bien l’avouer, l’air de la mer, c’est épuisant ! C’est sans doute pourquoi Ainhoa décide alors très vite d’aller retrouver le confort d’un lit douillet, portant tout contre son épaule une Opale profondément endormie ; et elle est rapidement suivie d’Atal et Nwëlla qui lâche un bâillement sonore. Suivie de Pan, je disparais dans les escaliers à mon tour, dépassant l’une des deux chambres que j’avais payé, j’ouvre la porte de la chambre qui jouxtait directement celle que nous allions partager avec Pan. Sans même prendre le temps de se déshabiller, Seth s’écroule dans le lit pour s’endormir dans la minute tandis que je borde Makeno dans le petit berceau de l’autre côté de la pièce. Il ne se réveille même pas lorsque je dépose une bise légère sur joue toute potelée. Quittant la chambre où dort mes deux fils dans le plus silence le plus parfait, je rejoins l’Envoleur dans la pièce voisine. Passant ma langue sur mes lèvres, je souris d’un air provocateur.

- « A nous deux ! » murmurais-je en laissant glisser lentement mes vêtements sur le sol.

* *
*

Atal comme Nwëlla avaient décidé de rester aux côtés de ma sœur – cela m’avait aussitôt rassurée de la savoir avec eux, car elle ne risquait rien – et nous nous étions séparé dès le lendemain. Seth commençait à se débrouiller plutôt très bien à cheval et nous défiait parfois, moi ou Pan, dans des courses de vitesse improbable. Et au rythme où nous chevauchions, il ne nous fallu pas plus dix jours pour parvenir au Domaine. Je savais que j’y avais désormais quelques alliés et que Seth et Makeno y seraient en sécurité le temps que je trouve le moyen de régler définitivement son compte à Samoan.

Les derniers rayons du soleil éclairent la pièce lorsque Pan pousse la porte de sa chambre au confort spartiate – ce qui était le cas de toutes les chambres, mais nous au moins, en tant que maîtres, nous bénéficions de notre propre chambre, ce qui est un sacré avantage. Seth ne semble pas s’en soucier le moins du monde et bondit sur le lit pour s’enrouler dans les couvertures rêches. Souriant à la remarque de Pan, je réalise soudain à quel point je suis incroyablement heureuse qu’il soit là, s’occupant de Seth et Makeno comme s’ils avaient été ses propres enfants. Bien sûr, Atal et Ainhoa avaient toujours été présents pour s’occuper de Seth, le chouchouter lorsque je parcourais sur les routes de l’Empire, mais jamais encore je n’avais eu d’épaule comme celle de l’Envoleur pour me reposer un peu. Il fallait bien l’avouer, avec lui à mes côtés, j’avais l’impression d’être capable de tout affronter, d’être invincible. Littéralement.

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Les enfants étant couchés depuis un moment maintenant, cela nous laisse entièrement libre. Le baiser de Pan presque dans mon cou tandis que j’ouvre la porte de ma propre chambre me tire un petit rire aigu. Heureusement qu’il n’y avait jamais grand monde par ici, au moins on ne risquait de déranger personne ! A peine la porte refermée, deux grandes mains se baladent déjà dans mon short, l’arrachant presque sans effort ; le pantalon de mon amant subit le même sort alors que je perds toute pensée cohérente. Le monde n’est plus que sensations frénétiques. Les lèvres de l’Envoleur sur mes seins nus tendus de désir me tire un gémissement de plaisir. Je me sens soudain soulevée du sol, assise sur la pierre froide du rebord de la fenêtre. Dans un réflexe, j’enroule mes jambes autour des siennes. Et alors qu’il entre en moi, je rejette la tête en arrière et prononce son nom dans un murmure à peine audible. Déjà perdue dans les affres du plaisir.

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Après une nuit entière à faire l’amour, encore et encore, je suis pourtant loin d’être épuisée – si je ne considère pas le fait que je suis tout simplement vidée physiquement. La tête posée tout contre le torse de Pan, je dessine pensivement des arabesques invisibles sur sa peau du bout des doigts. Son odeur si particulière, sa chaleur m’enveloppent toute entière d’un cocon de douceur.

- « C’est fou l’effet que tu me fais ! » finis-je par constater, la voix légèrement éraillée.

- « Seulement l'impression ? » (petit air espiègle) « C’est bon de les entendre rire comme cela » (air songeur) « Ca fait des années que Seth ne s'était pas amusé, comme un enfant je veux dire » (se mords la lèvre inférieure) « Depuis... »

(Elle secoue la tête toute seule avant de lever le menton et de sourire à Pan)

- « Ca te fait pas peur toi, la responsabilité d'un enfant ? » (fronce légèrement les sourcils) « Personnellement, j'ai flippé à mort à chaque fois... »

- « Ton devoir ? » (hausse un sourcil, soudain piquée par la curiosité) « C'est plus pour une question de hiérarchie ou au contraire parce que vous formiez une sorte de grande famille ? »

(Son regard glisse à l'horizon alors qu'elle essaye de s'imaginer la tribu de Pan)

- « En tout cas, ils te le rendent bien je crois » (désigne les garçons du menton avec un sourire) « Jamais le Domaine n'aura résonné d'autant de rires, même ce vieux grincheux solitaire de Dywin a troqué sa mauvaise humeur perpétuelle - au moins pour un temps... »

(Rigole tout seule)

- « Par contre, on fait quoi si... » (se gratte le haut du crâne) « Si je tombe à nouveau enceinte ? »

≈≈≈ Naïs ≈≈≈

Les journées passaient relativement vite et si elles se ressemblaient beaucoup, elles n’en apportaient pas moins son lot d’aventures chaque jour. Jamais les murs froids du Domaine n’avaient résonné d’autant de rires et de bonne humeur. Et si certains vieux loups solitaires grommelaient dans leur barbe, pestant contre tout ce vacarme – des enfants au Domaine, c’était bien la meilleure de l’année celle-là ! – d’autres, en revanche, se laissaient volontiers attendrir par les grands yeux dorés de Seth et la petite bouille adorable de Makeno. Une sorte d’insouciance planait agréablement comme cela n’était jamais arrivé auparavant.

Pourtant, quelque part au fond de moi je n’étais jamais totalement en confiance, malgré les promesses de Pan qui résonnaient dans ma tête. Celles de ne plus jamais être trahie, blessée, seule. Et si tu retombe enceinte ? Eh bien nous élèverons un troisième enfant avait d’ailleurs affirmé l’Envoleur quelques jour plus tôt, aussi simplement qu’en ces quelques mots, en réponse à mes inquiétudes. Mais ce mur de méfiance solide, subsistait encore et encore. Je pouvais grincer des dents tant que je voulais, les histoires sombres de mon passé finissaient toujours par resurgir pour m’empêcher d’aller totalement de l’avant et de me reconstruire avec Pan qui était indubitablement l’homme le plus sensible, le plus doux et le plus généreux qui soit en ce monde. Les fantômes de ma vie revenaient toujours me hanter alors que j’avais finalement une opportunité de toucher le bonheur du bout des doigts et de vivre vraiment. Vivre enfin.

Je frissonne doucement tandis qu’une petite brise fraiche effleure ma peau. Assise sur le rebord de la fenêtre, une jambe pendue dans le vide et adossée contre le mur, la lumière pâle de la lune éclaire ainsi faiblement ma peau. La nuit est déjà bien avancée, jetant un voile d’obscurité sur le Domaine et veillant sur les songes de ses habitants. Lorsque je m’étais éclipsée plus silencieusement qu’un rêve de la chambre, Pan dormait profondément et son respiration lente et régulière m’avait fait sourire bêtement. Seth et Makeno, blottis l’un contre l’autre, n’avaient pas non plus bougé d’un cil lorsque je m’étais introduite dans la chambre qu’ils occupaient. Mais depuis de longues minutes, le souffle de Seth avait changé de rythme presque imperceptiblement. Cela ne fait aucun doute qu’il est éveillé et son murmure ne m’échappe pas.

- « Tu ne dors pas ? »

Me glissant délicatement le long du mur, mes pieds touchent le sol froid. En trois pas gracieux, je m’assoie sur le rebord du lit et mêle mes doigts dans les cheveux de mon fils dans un geste qui était devenu naturel au fils des années. Je laisse quelques secondes de silence filer encore un instant.

- « Cauchemar ? »

Son soupir en dit long, évoquant en moi des souvenirs douloureux, une blessure jamais vraiment cicatrisée. La main de Seth se glisse dans la mienne y cherchant un peu de chaleur et la serre avec force.

- « Il me manque aussi » avouais-je, la gorge nouée « Terriblement » précisais-je.
- « Tu veux bien rester jusqu’à ce que me je rendorme ? » demande alors Seth d’une voix presque suppliante.
- « Je suis là, je reste… » soufflais-je

Seth n’émet plus aucun son mais ne se rendort pas avant un certain temps. Et même lorsque la fatigue finit par s’abattre et l’emporter d’un sommeil paisible, je veille quelques minutes encore sur les songes de mes enfants, jusqu’à ce qu’au loin, à travers la fenêtre, les premiers rayons du soleil percent et réchauffent ma peau agréablement. Je ne m’étais absolument pas rendue compte être restée aussi longtemps éveillée, or j’avais donné rendez-vous à une nouvelle apprentie ce matin même. Quittant la chambre des enfants sur la pointe des pieds, je retourne discrètement auprès de Pan qui se réveille à peine, surpris toutefois de ne pas me trouver dans le lit, dans ses bras. Avec un sourire amusé, je dépose un baiser papillon juste au coin des lèvres de l’Envoleur avant d’enfiler un vieux short et un débardeur abandonnés sur une chaise la veille dans le feu de la passion.

- « Je suis restée un moment avec Seth » m’excusais-je, omettant soigneusement de préciser que moi-même je n’étais pas parvenue à trouver le sommeil depuis quelques heures « Cauchemars… » ajoutais-je.

Une fois habillée, je m’agenouille un instant sur le rebord du lit où Pan reste silencieux même si je peux clairement le sentir me déshabiller de nouveau du regard. Luttant pour garder contenance – j’aurais volontiers passé la journée sous la couette autrement – je pose une main sur le torse délicieusement musclé de l’Envoleur, y dessinant des arabesques du bout des doigts.

- « Il faut que j’y aille, un nouveau groupe d’apprenties m’a été confié. » commençais-je « Je meurs d’envie de traîner encore un peu mais ça risque bien d’être mal considéré si je me pointe en retard devant de jeunes recrues fraîchement débarqués » plaisantais-je, sans la moindre envie de partir « Je te retrouve ce soir » conclus-je toutefois.

Me penchant d’une lenteur toute calculée, je m’empare des lèvres de Pan des miennes dans un baiser langoureux et passionné, réveillant ce brasier qui brûlait dans mon ventre. Echappant avec agilité à ses bras puissants qui tentent de me faire basculer sur le lit, dans la réalité de la chaleur qui nous enveloppe comme un écrin de douceur, je me glisse légère comme un rêve à l’extérieur de la chambre, avec un petit clin d’œil espiègle derrière moi. Clin d’œil promesse. Clin d’œil complice.