Groupe Wolld - Cours n°1

La tension qui s’était logée dans les deux épaules de Khamill quand Pan lui passa la pommade lui mirent la puce à l’oreille. Elle voulait lui cacher quelque chose. Mais se rendait-elle compte qu’elle ne pourrait pas le faire longtemps ? Il ne l’obligea pas à faire quoi que ce soit, mais savait pertinemment que ce qu’elle tentait de garder pour elle allait éclater un jour ou l’autre. Mais pas besoin de lui mettre la pression immédiatement.

L’exercice suivant, le lancer de poignard, sembla mieux leur convenir – en tout cas, elles ne se blessèrent plus. Les trois jeunes filles semblaient plus à l’aise, et Pan les laissa évoluer tranquillement jusqu’à ce qu’il vît sur leur visage la fatigue qui commençait à réellement étirer leurs traits. Alors, seulement, il les arrêta et alla chercher son propre poignard.

- C’est pas mal, pour une première de cet exercice avec moi. J’ai l’impression que certaines d’entre vous se sont déjà amusées avec un poignard – en tout cas pour le lancer. Un sourire étira les lèvres de Pan, qui se redressa en finissant de ranger les affaires qu’elles avaient sorties de son sac, et ajouta : Allez, on repart. Il nous reste une petite heure avant que le soleil ne se couche, on court.

§§

Le soleil était en train de disparaître à l’horizon quand Pan bifurqua soudainement sur la droite, et s’enfonça sur un petit sentier dans les bois. Mais au bout d’une dizaine de mètres, une grande maison s’étira devant ses yeux, et la lumière chaleureuse que l’on pouvait voir filtrer par les fenêtres attirait les voyageurs.
En réalité, c’était une auberge. La première depuis le début de leur voyage… Un bon plat chaud, un bon lit moelleux, Pan était presque certain que cela ferait plaisir aux trois jeunes filles qui l’accompagnaient !

Le lendemain matin, ils repartirent aux aurores, alors que le soleil se levait à peine.
Pan ne lésigna pas sur les exercices, introduisant désormais le poignard dans tout type de mouvements, pour permettre aux jeunes filles de s’y habituer et de le sentir comme une extension d’elles-mêmes. C’était le but ultime de toute arme, après tout, de devenir une extension pure de la volonté de leur porteur. La suite de leur bras, de leurs doigts, de leurs mouvements tous entiers.

Ils continuèrent ainsi une dizaine de jours, encore. Peut-être un peu plus.
Le froid tombait sûrement sur Gwendalavir, et alors que la neige faisait sa première entrée en matière, ils longeaient le Pollimage du côté de la rive Ouest. Il n’y avait plus d’auberges pour s’abriter, quand on passait la frontière des Plateaux d’Astariul, aussi Pan expliqua et mit en œuvre d’apprendre aux jeunes filles à faire des feux efficaces pour la nuit, et que cela permette de les réchauffer. Le manteau cotonneux et glacé qu’avaient revêtu les plaines était magnifique, mais terriblement traitre.

Enfin, alors que le soleil atteignait doucement son zénith derrière les nuages blancs, la silhouette de l’entrée de la ville d’Al-Poll se découpa devant eux. Et Pan avait bien l’intention de passer par la ville quelques jours, histoire de voir les trois jeunes filles dans des environnements divers et variés. Cela allait être drôle !

§§

- Bon, pour ce soir je vous accorde un peu de repos… Pas de soirée libre, non, simplement le droit de manger un repas chaud avec moi et de dormir dans un vrai lit ! Demain, nous nous levons tôt.

Comme à son habitude, Pan s’était installé dans un coin de l’auberge.
Il entendait encore son Maître Envoleur lui dire que le mur était un ami bien versatile, car il bloquait les arrières. Sauf qu’avec ses cornes, l’Envoleur avait plutôt tendance à faire fuir tout humain normalement constitué, de peur. Alors, et bien il les cachait dans les endroits un peu plus sombres, histoire de ne pas attirer l’attention.

Et alors que le délicieux ragoût venait d’être posé au centre de la table, les quatre Mercenaires se jetèrent dessus avec avidité. Cela faisait plus de quinze jours qu’ils avançaient dans le froid, à manger simplement des lamelles de viande séchée ou bien le fruit de petits larcins ou de chasses chanceuses. Les filles n’étaient pas encore au point sur leur technique de chasse, surtout dans un endroit comme les Plateaux d’Astariul où les proies se méfiaient particulièrement de leur environnement.

- Ca fait du bien, hein ?

Leur adressant un large sourire, Pan avala sa première bouchée en se délectant de la chaleur et du goût des aliments sur sa langue et contre ses papilles frémissantes.

Un léger soupir de soulagement franchit les lèvres de Khamill lorsque Pan mit fin à l'exercice. Elle était complètement exténuée, mais surtout, elle avait envie de passer à autre chose... Les trois jeunes femmes s’élancèrent à la suite de leur mentor. Kham n'avait pas la moindre envie de se remettre à courir maintenant, mais elle n'avait pas le choix. Et puis, plus vite ils avanceraient, plus vite les apprenties pourraient se reposer... Une heure plus tard, la jeune femme ne sentait plus ses jambes et elle avait terriblement soif ; mais elle remarqua non sans une once de fierté qu'elle supportait mieux les longues courses d'endurance au fil des jours. Elle progressait, tout comme Zaïa et Sifae.

Alors que la faible lumière du couchant teintait le paysage d'un rouge sombre, la petite troupe pénétra dans un bois ; la nuit parut alors tomber d'un coup, l'épaisseur du feuillage des arbres masquant davantage le peu de lumière que dégageait encore le soleil. Très vite, un bâtiment apparut entre les arbres, bâtiment qui se révéla être une auberge. Apparemment, Pan avait l'intention d'y passer la nuit... et cela ne réjouissait Kham qu'à moitié. Certes, suite à la fatigue de la journée, un vrai repas et un bon édredon étaient les bienvenus, mais à la pensée qu'elle devrait une nouvelle fois supporter les regards des gens présents dans la salle sur sa brûlure, l'angoisse pointa dans le ventre de la jeune apprentie. Son regard accrocha alors les cornes de Pan qui se trouvait devant elle.

Je ne suis pas la seule... Et lui doit paraître bien plus étrange encore... Un peu plus effrayant aussi, peut-être... Il était vrai que si Khamill s'était très vite habituée à la présence de ces cornes sur le crâne de son Maître, tout le monde ne devait pas les voir du même œil, et encore moins les inconnus. Pourtant, Pan ne paraissait en aucun cas angoisser à cette idée alors qu'il entrait dans l'auberge. Rassurée, en quelque sorte, la jeune femme avança à sa suite, derrière les deux autres apprenties. Elle ignora les quelques regards étonnés – il n'y avait pas grand monde d'ailleurs – plus facilement que d'habitude, et put savourer avec plaisir la perspective qui l'attendait, autrement dit une bonne nuit de sommeil...

***

Ils avancèrent encore durant une quinzaine de jours. Les jeunes femmes en apprenaient à chaque fois davantage et s'amélioraient au maniement du poignard – entre autres. Khamill ressentait de mieux en mieux comment s'approprier l'arme, comment l'aborder, de quelle manière il valait mieux la tenir ou la lancer... Elle ne sentait pas progresser au jour le jour, évidemment, mais lorsqu'elle repensait au début du cours, du voyage plutôt, elle s'étonnait toujours de la manière dont les choses avaient évoluées, dont elle évoluait. En bien, et pas que physiquement.

Le froid se fit rapidement ressentir au fur et à mesure que la troupe avançait vers le Nord. De toute sa vie, Khamill n'avait jamais pu observer si grande quantité de neige – certains jours, tout était recouvert de blanc – et elle ne cessait de s'émerveiller de ce sentiment de calme absolu que procurait la poudreuse. A Al-Jeit, lorsque l'hiver approchait et que l'on vivait dans la rue, l'inquiétude de survivre était bien plus forte que l'émerveillement...

Ils n'aperçurent presque personne durant toute cette période ; cela convenait parfaitement à la jeune femme. Tant pis si on devait chasser soit-même la nourriture, tant pis si le feu mettait d'abord une demie-heure avant que ses flammes ne veuillent bien s'élever, tant pis si on attrapait souvent mal de tête à cause du froid, parfois rude. Il n'y avait personne, c'était le principal. Et puis, ces quelques épreuves ne faisaient que développer le sentiment d'amitié qui commençait à naître entre les apprenties, et le lien, encore ténu, qui apparaissait entre le Maître et les élèves. Après tout, chaque situation à ses inconvénients et ses avantages...

Et puis, un soir, Al-Poll apparut à l'horizon. Au milieu de la neige, la cité avait un air un peu imposant, surtout après toute cette période passée uniquement dans la nature, en dehors de toute présence humaine. Sans oublier que c'était la première ville que les quatre envoleurs rencontrait depuis le début du voyage... En entrant dans la ville, Khamill s'attendait à ce que Pan leur demande immédiatement d'effectuer de nouveaux exercices ; ce fut avec grand soulagement qu'elle entendit le contraire – même si cela impliquait d'aller dans une auberge.

- Bon, pour ce soir je vous accorde un peu de repos…

Du repos ? Cela signifiait-il...

- Pas de soirée libre, non, simplement le droit de manger un repas chaud avec moi et de dormir dans un vrai lit ! Demain, nous nous levons tôt.

Kham retint un grognement. Elle aurait dû s'en douter ! Quant à se lever tôt, pas moyen d'y couper, malheureusement ! Pour une fois, la jeune femme n'aurait pas dit non... Toutefois, elle oublia vite ses pensées bougonnes lorsque la serveuse vint déposer le plat sur la table de bois, non sans un regard légèrement inquiet sur les cornes de Pan et la brûlure de Kham, sans oublier l'air exténué et affamé que devait afficher chacune des apprenties ! Khamill n'attendit pas que les autres commencent pour se mettre aussitôt à piquer dan son assiette. Elle allait enfin pouvoir goûter ce ragoût qui sentait si bon depuis leur entrée dans l'auberge !

- Ça fait du bien, hein ?

Kham jeta un regard approbateur à son Maitre, et un sourire silencieux naquit sur ses lèvres en guise de réponse. Elle continua son repas, tout en guettant les réactions de Sifae et Zaïa devant cette nourriture si bienvenue...

Sifae fut grandement soulagée lorsque Pan annonça la fin de l'exercice. Khamill et Zaïa semblait être du même avis. Mais, sa joie fut de courte durée lorsque que le Maître Envoleur annonça qu'il fallait déjà repartir... Même si c'était ses bras qui lui faisait le plus mal, ses jambes n'en menaient pas large non plus. En fait, tout son corps était endolori. Pourtant, elle ne rechigna pas contre cette petite course. Que pouvait-elle dire ? Elle aimait sentir ses muscles qui, au comble de la douleur la portait encore. Elle se sentait de plus en plus puissante et ce sentiment l'extasiait.

Le soleil était en train de se coucher lorsque Pan s'arrêta devant... Une auberge ! Sifae ne l'avait même pas vue apparaître au loin tellement elle se concentrait pour ne pas lâcher. Cela faisait tellement longtemps que Sifae n'avait pas vu d'autre personnes que son maître et les autres apprenties qu'elle se réjouissait d'avance. Elle dégusta son plat et se faufila dans les draps de son lit avec délice. Elle s'endormit un grand sourire aux lèvres.

La dizaine de jours qui suivirent furent remplis d'exercices de tous genre incluant maintenant les poignards. Comme l'hiver commençait à s'installer en Gwendalavir Pan les initia à la manière de préparer un feu de camp. Sifae avait encore un peu de mal a allumer le sien vite mais chaque jour, elle mettait de moins en moins de temps. Après la nuit à l'auberge, Sifae se sentait requinquée et elle se sentait bien plus résistante qu'avant.

Ils se nourrissaient de viande de siffleur séché ou de petites proies qu'ils avaient l'occasion de croiser sur leur chemin. La neige laissait apercevoir des traces dont Sifae n'aimerait pas croiser ses propriétaires... Mais la neige était aussi magnifique et Sifae, tout en restant méfiante appréciait son voyage initiatique au milieu de l'empire. L'amitié qui naissait entre Khamill, Zaïa et elle rendait ce voyage encore plus agréable. Quant à la relation qu'elle tenait avec Pan... Disons, que Sifae n'avait pas encore défini de mots qui pouvait expliquer celle-ci. C'était lui qui la guidait vers une Voie, vers les pas de son frère. Pour l'instant, Sifae se contentait de cela.

Un jour, alors que le soleil tombait, laissant la place à la lune, la silhouette d'une ville apparue. Cherchant dans sa mémoire quelle cité cela pourrait-être, Sifae se rappela une comptine que sa mère lui chantait les soirs d'hivers lorsqu'elle se plaignait du froid...


Sa mère avait raison, il faisait froid. Mais Sifae ne s'en souciait plus autant qu'avant. Certes, il fallait faire attention aux engelures mais elle était bien plus résistante et ne se plaignait plus. En entrant dans la ville, Sifae fut frappée par le nombre d'habitants. En entrant dans l'auberge la dernière fois elle avait été heureuse de retrouver du monde mais maintenant qu'il y en avait beaucoup elle avait hâte de repartir sur les route. Même si elle était fatiguée.

- Bon, pour ce soir je vous accorde un peu de repos…

Le maitre Envoleur devait lire dans les pensées des jeunes filles. En même temps, vu l'aspect qu'elles avaient, on pouvait difficilement dire qu'elles étaient en forme.

- Pas de soirée libre, non, simplement le droit de manger un repas chaud avec moi et de dormir dans un vrai lit ! Demain, nous nous levons tôt.

En temps normal, Sifae aurait été visiter la cité mais là, avec sa fatigue, elle n'aspirait qu'à une chose, aller dans le lit moelleux qui l'attendait à l'étage de l'auberge. Un ragoût fumant fut servis au groupe et tous sentirent les odeurs s'élever les faisant saliver.

- Ça fait du bien, hein ?

Sifae hocha la tête avec un grand sourire et commença à déguster ce repas chaud...

Zaïa savourait ce plat fumant, cette assise moelleuse et la chaleur qui régnait dans la pièce. Il commençait à faire de plus en plus froid et s’arrêter dans une auberge pour la première fois depuis le début de leur voyage était plutôt bienvenue aux yeux de la jeune fille. Bien qu’elle ait appréhendé alors qu’ils y arrivaient quelques instants plus tôt, l’endroit s’était révélé peu fréquenté et toute inquiétude s’était envolée.

Quelques heures auparavant, alors que des douleurs musculaires avaient commencé à la tiraillé, Pan avait proclamé l’exercice finit. Zaïa ne se lassait pas de jouer avec un poignard mais elle devait avouer que l’arrêt de lancers était parvenu au bon moment. Mais le temps de repos n’avait pas été de longue durée car ils enchainèrent avec…une petite course ! Encore et toujours.

Soupir.

La jeune fille avait le ventre plein et ne rêvait maintenant que d’une chose : dormir ! Et elle avait tout intérêt à ne pas traîner car elle le savait maintenant ; chaque journée était chargée et requérait beaucoup d’énergie.


D’autres jours passèrent, d’autres entrainements aussi, des blessures superficielles, des mots échangés… Zaïa ne voyait pas le temps passer.
Ses compagnons de voyage se révélaient être, chaque jour un peu plus, de très bonne compagnie. Bon, elle n’était pas encore familière avec eux mais se sentait à l’aise. Et ça, c’était déjà un grand pas !

Dorénavant, la majorité des exercices incluaient un poignard et ce ne fut pas pour déplaire à la benjamine du groupe. Elle découvrait des mouvements dont elle n’avait jamais soupçonné l’existence, se démenant encore et toujours pour reproduire correctement le geste que leur enseignait Pan, pour le faire plus vite, pour le rendre plus efficace. Plus elle en apprenait, plus elle se rendait compte combien elle n’était qu’une simple novice dans le domaine !

Froid !

Il faisait de plus en plus froid et la jeune fille découvrait combien il pouvait mordre ! Elle n’avait jamais connu de températures réellement basses; elle avait toujours vécu dans son petit village au sud de Gwendalavir, et l’un des rares avantages de vivre là-bas était qu’il y faisait bon toute l’année. Autant dire que plus ils avançaient et plus elle souffrait du froid. Elle n’avait pas de vêtement particulièrement chaud et avait hâte de rencontrer, ne serait-ce qu’un simple village ou caravane d’artisans, pour trouver quelques chose de plus chaud à se mettre sur les épaules.

Mais le bon coté de cette froideur était la neige. Zaïa avait entendu parler de ce doux coton glacé qui tombait du ciel, et elle en était émerveillée. D’abord, par-ci, par-là, la neige avait fini par recouvrir le paysage entier offrant une peinture époustouflante. La brunette en avait des étoiles plein les yeux et s’aventurait de temps à autre à jouer avec. Mais Pan les avait prévenu, cette beauté de la nature pouvait être terriblement traître !


Ils étaient tous à nouveau réunit autour d’une table, à la chaleur d’une auberge. Pan avait décidé de s’arrêter dans une ville et, même si ça ne la dérangeait pas de rester éloignée de la civilisation, Zaïa était satisfaite de ce choix : elle pourrait sûrement se trouver un habit digne de ce nom contre le froid !

Al-Poll.

C’était la ville.

Comme pour la grande majorité de ce qui se trouvait dans ce monde, Zaïa en avait entendu parler mais là, elle avait l’occasion de le voir de ses propres yeux. Et elle en était toute excitée ; comment était-il possible de passer à côté de ça ? Immensité, grandeur, foule de gens… De quoi régaler ses papilles à chaque tournant de rue.

Un odorant ragoût venait d’être posé sur la table et les quatre camarades s’étaient jetés dessus avec une dextérité remarquable. Ils avaient tous faim, c’était évident. Et un bon petit plat comme ça ouvrait d’autant plus l’appétit.

- Ca fait du bien, hein ?

- Tellement !

Zaïa écarta grands les yeux.

Oh, non ! Elle l’avait dit tout haut !

Elle baissa les yeux, pourpre jusqu’aux oreilles, puis lança un demi-sourire gêné à Pan, Khamill et Sifae. Le ventre avait parlé.

[Je suis désolée de répondre si tard! Ca a été un peu difficile ces dernières semaines... :/ ]

- Tellement !

Au vu du langage corporel de la jeune fille, Pan éclata de rire : cela venait du fond de… l’estomac, c’était le cas de le dire ! Pourtant, Zaïa sembla gênée, ce qui fit tout simplement secouer de gauche à droite la tête de Pan, qui se reprit bien vite pour ne pas trop agiter ses cornes. Il oubliait trop souvent qu’il était dans un monde où ses cornes étaient mal vues, ou bien était carrément effrayantes.

Haussant les épaules, il finit son assiette et envoya tout le monde au lit.

§§

Ils se levèrent avec le soleil, mais heureusement que les lits avaient été confortables ; car ainsi leur sommeil avait été bien réparateur. Pan fit prendre un rapide déjeuner aux jeunes filles, avant de repartir sans plus de cérémonie.
Ils montaient toujours vers le Nord, et Pan avait son idée très précise du chemin qu’ils allaient prendre.

Mais avant cela, il voulait tester certaines capacités de ses apprenties dans la ville. Une fois qu’elles eurent rempli leur ventre – mais pas trop non plus – il les entraîna dans les rues bondées de la cité. C’était un jour de marché, et décidément il y avait vraiment beaucoup de personnes qui s’y rendaient. Bifurquant dans une ruelle adjacente, Pan s’éloigna de la foule pour éviter les cris de surprise des femmes qui se retrouvaient un peu trop près de lui.
Escaladant efficacement et rapidement un pan de mur, il se jucha sur une gouttière, roula un peu plus loin et s’assit sur un garde-fou, attendant ses trois apprenties. Il y avait même pas deux mètres d’escalade, et du haut de son perchoir il les regarda faire, prêt à intervenir si besoin.
Mais pour deux mètres, il n’y eut aucun problème. Et lorsque les trois jeunes filles furent à la même hauteur que lui, il leur sourit tranquillement.

- Ombre et lumière. Ombre dans le noir et rayon dans la lumière. Un Envoleur est censé pouvoir être discret, partout, toujours. Et que faut-il faire, pour ne pas être vu ?








[ C'est à moi de m'excuser pour tout ce retard, et ce retour plus que médiocre... ]

Un sourire étira furtivement les lèvres de Kham lorsque Zaïa lâcha son cri du cœur et que Pan éclata de rire. Elle se sentait si bien, en plein dans cette bonne humeur, dans cette petite auberge accueillante, devant ce bon plat chaud, qu'elle se demanda combien de fois elle avait déjà été aussi heureuse. Puis elle se rappela les moments passés avec son frère, ceux avec Lehm, les autres, encore, avec Clarence, et même le court séjour en compagnie de Syndrell, et réalisa qu'il y avait bien d'autres fois où elle s'était ainsi sentie à sa place. Exactement là où elle devait être. Elle ressentit un pincement au cœur à cette pensée joyeuse, et ses yeux se mirent à briller tandis qu'elle recommençait à manger.

Par pitié, faites que ça ne s'arrête jamais...

***

Comme les avait prévenues Pan la veille, ils avaient dû se lever tôt, mais les trois jeunes femmes étaient suffisamment reposées pour garder leur bonne humeur de la soirée précédente. Le petit groupe déjeuna rapidement et ils sortirent de l'auberge. Khamill avait hâte de découvrir quels exercices le maître envoleur allait leur faire faire... Ils progressèrent dans les rues d'Al-Poll, à travers la foule compacte. Khamill s'aperçut vite que si les cornes de Pan ne passaient pas facilement inaperçues, même dans une foule pareille, sa brûlure n'attirait quant à elle pas vraiment de regards spéciaux ni de remarques désobligeantes. Les gens avaient autre chose à faire que de remarquer une jeune fille brûlée à travers tout ce monde...

Bientôt le mentor des trois apprenties changea de direction, choisissant d'emprunter une petite rue qui s'ouvrait dans la grande avenue. Les jeunes femmes l'observèrent escalader rapidement la façade d'un petit bâtiment, Khamill admirant la souplesse de chat de l'envoleur, ses gestes précis et les muscles roulant sous sa peau. Pan était véritablement un concentré de puissance et d'agilité.

La jeune femme saisit à son tour la première prise avant de s'élever souplement sur le mur. Deux mètres, c'était plus qu'un véritable jeu d'enfant pour elle qui avait passé son enfance à escalader les falaises, puis les murs d'Al-Jeit durant son adolescence. Savourant le contact de la pierre douce et froide sous ses doigts, Kham parvînt à la hauteur de Pan en quelques secondes sans faire la moindre anicroche, les yeux brillants de cette petite mise en jambe. Elle croyait que leur maître leur demanderait de le suivre encore quelques temps sur les toits des bâtiments, mais apparemment ce n'était pas pour tout de suite. Sitôt que Zaïa et Sifae les eut rejoints - sans aucun problème elles non plus - Pan commença un discours assez inattendu.

- Ombre et lumière. Ombre dans le noir et rayon dans la lumière.

Khamill fronça les sourcils mais ne fit pas mine de l'interrompre, toute à l'écoute.

- Un Envoleur est censé pouvoir être discret, partout, toujours. Et que faut-il faire, pour ne pas être vu ?

La jeune fille, comprenant enfin où il voulait en venir, réfléchit un instant. Aussitôt le souvenir de la foule compacte qu'ils venaient de quitter s'imposa à elle, et une réponse se forma dans son esprit. Un autre souvenir, celui de Lehm attrapant sans aucune difficultés les bourses des bourgeois les jours de marché, s'ajouta alors au premier. Souriante, Kham répondit :

- Pour ne pas être vu, on pourrait déjà se trouver là ou les gens ne regardent pas. Sur un toit par exemple, puisqu'il est rare de penser à lever les yeux au ciel. Mais il y a aussi une autre possibilité : se mêler efficacement à la foule, prendre l'aspect de ce qui nous entoure, imiter les attitudes des autres... Faire comme si on faisait partie intégrante du groupe, en fait.

Jetant un regard sur les cornes impressionnantes de son maître, elle ne put s'empêcher d'ajouter, un sourire ironique flottant sur ses lèvres :

- J'ai toutefois l'impression que ça ne suffit pas toujours, à en voir l'attitude de certaines personnes face à ce qui ne semble pas pouvoir être assez discret...

L'idée qu'elle avait pu provoquer son mentor sans aucune raison, et que celui-ci puisse prendre la mouche, effleura à peine la conscience de la jeune femme. Peu importait, pour elle sa remarque ne visait pas à blesser l'envoleur mais soulevait une véritable question. Comment ne pas être vu lorsque notre apparence ne peut empêcher le contraire ?




[Mais non, pas de problème ^^]

Le reste du repas se passa dans la bonne humeur et Zaïa rit même à plusieurs reprises. Elle se détendait de jours en jours. Pourtant ce n’était pas gagné ! Elle avait été très inquiète au début, vis-à-vis de Pan surtout. Et oui, même s’il avait des cornes, c’était un homme et… Zaïa se méfiait de ces derniers presque de manière maladive. Mais elle apprenait à le connaitre et réalisait un peu plus chaque jour que c’était une personne honnête - qui les achevait peut-être Khamil, Sifae et elle avec des exercices éreintants - mais quelqu’un de confiance.

Une fois le ventre bien rempli, tous partirent se coucher. La jeune fille eut à peine le temps de laisser vagabonder son esprit qu’elle sombra dans un sommeil lourd et agréable. Ok, rien ne valait un ciel étoilé comme plafond mais le confort d’un matelas était tout de même plus agréable qu’un simple sol.

Le lendemain, le groupe se leva tôt. Heureusement, la nuit avait était bonne et tous étaient d’attaque pour une nouvelle journée. Zaïa ne savait pas s’ils quitteraient la ville tout de suite ou s’ils s’y attarderaient un peu. Elle eut sa réponse peu de temps après lorsqu’elle se retrouva au milieu d’une marée humaine.


Parfums de nourriture, épices, cuir ou autres odeurs plus suspectes effleuraient les narines de la jeune fille. Elle s’émerveilla devant des animaux insolites, des objets dont elle ignorait la fonction et devant des habits plus excentriques les uns que les autres. Jamais elle n’avait quitté son village natal et si la nature différait quelque peu au fur et à mesure qu’ils avançaient vers le Nord, cette ville, Al-Poll, n’avait vraiment rien à voir avec l’endroit où elle avait grandi ! C’était une expérience inédite pour elle et elle aurait était très agréable s’il n’y avait pas eu cette foule si abondante. Zaïa se sentait à l’étroit et mal à l’aise lorsque sa peau entrait malencontreusement en contact avec celle d’un inconnu. Mais elle prit sur elle et suivait son mentor tant bien que mal.

Cependant, alors qu’une femme venait de pousser un petit cri, sûrement surprise par les cornes de Pan à voir comment elle les fixait, le regard de la brunette fut attiré par un stand en particulier.

Des vestes !

Un marchand méritait la matière d’une d’entre elles en particulier. Imperméable, résistant au froid, souple… Exactement ce qu’il lui fallait !

La jeune fille se rapprocha du stand et fixa la veste avec intérêt. La voler ? Mmmh, tentant mais le vendeur ne la lâchait pas des yeux… Elle aurait du réfléchir avant de se planter devant lui comme une idiote. Il lui fallait cette veste mais elle n’avait pas l’argent nécessaire pour cela… Comment faire ?

- S’tu m’donnes ta ceinture en échange ça d’vrait l’faire gamine.

Zaïa lui jeta un regard intéressé et méfiant à la fois. C’était comme s’il avait lu dans ses pensées mais… Donné sa ceinture ? Il était sérieux ?

- Pour la veste. Elle est à toi si tu m’donnes c’te ceinture qu’tu portes.
- J’avais compris.

Elle s’était exprimée d’un ton sec et légèrement énervé. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Elle vit une paire de cornes s’élever au-dessus de la foule. Pan et les filles étaient en train de s’éloigner à vue d’œil. Cette ceinture elle la tenait de ses parents et elle y tenait mais elle avait aussi besoin d’un vêtement chaud pour son voyage vers le Nord. Elle le savait.

Il fallait qu’elle se décide. Et vite !

Agacée, elle retira vivement sa ceinture, la balança dans l’une des mains du vendeur et arracha la veste qui se trouvait dans l’autre. L’homme lui lança un sourire édenté et la quitta des yeux pour admirer sa nouvelle acquisition. La ceinture était un beau travail de forgerie et le cuir était de très bonne qualité. Il savait qu’il venait de faire une bonne affaire.

Zaïa passa la veste et s’élança dans la foule pour rattraper le groupe. Elle ne quitta pas du regard les cornes qu’elle devinait à peine à présent, puis les vit disparaître dans une ruelle. Une fois, qu’elle s’y engouffra à son tour, elle rattrapa son retard sans soucis ; l’endroit était presque désert comparé à la foule du marché !


- Ombre et lumière. Ombre dans le noir et rayon dans la lumière. Un Envoleur est censé pouvoir être discret, partout, toujours. Et que faut-il faire, pour ne pas être vu ?

Quelques instants auparavant, ils avaient escaladé un mur. Muret même pouvait-on dire. Pan d’abord, les filles ensuite. Ça ne s’était pas avéré difficile. Le moins du monde. Aussi, la benjamine fut étonnée lorsqu’ils s’arrêtèrent à peine une fois arrivés sur les toits. Elle s’était attendue à plus d’entraînements physiques avant de devoir avoir affaire à une question. Mais bon, puisque c'était le cas, elle s'attela du mieux qu'elle pu à la tâche.

Comment passé inaperçu ?

- Pour ne pas être vu, on pourrait déjà se trouver là ou les gens ne regardent pas. Sur un toit par exemple, puisqu'il est rare de penser à lever les yeux au ciel. Mais il y a aussi une autre possibilité : se mêler efficacement à la foule, prendre l'aspect de ce qui nous entoure, imiter les attitudes des autres... Faire comme si on faisait partie intégrante du groupe, en fait.

Zaïa acquiesça. Oui, c’était les premières idées qui lui venaient en tête à elle aussi. Khamil ajouta une autre petite phrase.

Pertinente.

Rien que pour Pan.

- J'ai toutefois l'impression que ça ne suffit pas toujours, à en voir l'attitude de certaines personnes face à ce qui ne semble pas pouvoir être assez discret...

Les lèvres de la jeune brune s’étirèrent en un sourire discret. Elle leva son regard sombre comme l’encre vers son mentor se demandant comment se faisait-il, en effet, que les gens, même s’ils remarquaient ses cornes, ne s’interrogeaient pas plus à leur sujet ? Elle même s’y était habituée de manière naturelle et en un temps record.

- Je suis d’accord avec Khamil.

Elle lui jeta un regard complice.

- A vrai dire, je n’ai pas grand-chose d’autre à ajouter si ce n’est que oui, se vêtir et imiter monsieur tout le monde est un moyen efficace. Après, je sais que les coins sombres d’un bâtiment peuvent, eux aussi, se révéler bien utiles pour passer plus facilement inaperçu.

La jeune fille chercha d’autres solutions mais rien ne vint. Khamil avait dit l’essentiel à vrai dire. Il restait la réponse de Sifae, mais elle avait hâte que Pan reprenne la parole histoire de savoir ce que lui en pensait. Et surtout elle attendait de voir s’il commenterait la remarque de Khamil.


(Désolée de répondre encore une fois très tard!:/ Mais à partir de maintenant, ce devrait être mieux!)

Le repas fut un régal et une source de réconfort pour Sifae. Lorsqu'ils partirent au lit, elle ne fut pas longue à s'endormir. D'un sommeil réparateur. A peine agité par quelques rêves montagneux...

Le lendemain , le petit déjeuner fut rapide et silencieux. Tout le monde était encore à moitié endormi, à moitié concentré sur la route inconnue de tous sauf de Pan qu'il restait à parcourir et à tout le nouveaux exercices que les filles découvriraient en chemin.

Ils sortirent de l'auberge pour se retrouver dans les rues bondées. C'était le jour du marché. Tout le monde faisait ses provisions pour l'hiver qui approchait. Et il y avait tellement de monde que Sifae se demandait comment ferais-elle si elle se perdait... Mais heureusement, Pan était grand et, avec ses cornes ne passait pas inaperçu. Regardant le spectacle qu'offrait la Vie dans ces rues, Sifae failli manquer la rue où Pan et Khamill avaient bifurqué. Pan si hissa sans effort au dessus d'un mur suivi par Khamill. SIfae grimpa elle aussi pour les rejoindre, Zaïa étant derrière. Une fois que tout le monde fut là, le Maître Envoleur prit la parole :

- Ombre et lumière. Ombre dans le noir et rayon dans la lumière. Un Envoleur est censé pouvoir être discret, partout, toujours. Et que faut-il faire, pour ne pas être vu ?

Khamill fut la première à répondre.

- Pour ne pas être vu, on pourrait déjà se trouver là ou les gens ne regardent pas. Sur un toit par exemple, puisqu'il est rare de penser à lever les yeux au ciel. Mais il y a aussi une autre possibilité : se mêler efficacement à la foule, prendre l'aspect de ce qui nous entoure, imiter les attitudes des autres... Faire comme si on faisait partie intégrante du groupe, en fait.

Puis avec un petit sourire, glissa une petite phrase à l'intention de Pan.

- J'ai toutefois l'impression que ça ne suffit pas toujours, à en voir l'attitude de certaines personnes face à ce qui ne semble pas pouvoir être assez discret...

Sifae sourit à cette remarque. Qu'allait dire Pan ?

- Je suis d’accord avec Khamil.

Zaïa était d'accord, et Sifae ne pouvait que l'être aussi. Mais il manquait la partie intéressante sur l'Ombre et la lumière.

- A vrai dire, je n’ai pas grand-chose d’autre à ajouter si ce n’est que oui, se vêtir et imiter monsieur tout le monde est un moyen efficace. Après, je sais que les coins sombres d’un bâtiment peuvent, eux aussi, se révéler bien utiles pour passer plus facilement inaperçu.

Voilà, tout était dit. Ou presque. Que pouvait rajouter Sifae après ces deux réponses. Les deux se complétaient et donnaient la réponse que la jeune fille voulait fournir à son mentor.

- Je suis d'accord avec Khamill et Zaïa. Pour ne pas être vu, il vaut mieux adopter le mouvement de la foule. Et si jamais il n'y as pas de foule jouer avec la lumière et les ombres pour devenir invisible ou presque...

Combien de fois avait-elle essayé cette technique afin d'espionner ne serait-ce que les conversations des adultes lorsqu'elle n'était qu'une enfant ? Sifae ne comptait même plus. Mais maintenant que la question avait piqué sa curiosité, elle attendait l'avis de Pan...

- Mmmm. Pas mal pour un début.
Il y a aussi d'autres manières de ne pas être vus tels que l'on est réellement, notamment le bluff et la confiance en soi. Une confiance en soi inébranlable, même dans le mensonge le plus éhonté, fonctionne très bien.

Bon, dans ce cas, j'aimerais que vous me fassiez une petite démonstration de votre théorie... Mesdemoiselles !






[ Décidément, j'enchaîne les longs temps de réponse ! Normalement, tout devrait couler maintenant ! ]

Khamill fut donc la première à s’élancer, alors que les deux autres apprenties hésitaient sur la conduite à tenir. Pan décida de ne rien leur dire : ils volaient, certes, mais c’était avant tout un exercice, et ce n’était pas comme si elles devaient attraper et ramener quelque chose de grande valeur. On devait manger pour survivre et vivre, et voler une pomme ou un saucisson n’était non plus un crime, d’autant que les vendeurs abusaient généralement sur le prix de leurs marchandises.

La jeune fille au visage brûlé se glissa le long de la paroi avec facilité, comme si en la montant, elle avait acquis la manière dont cette dernière pouvait se comporter avec elle. Ce n’était pas réellement le cas, et il put même voir quelques hésitations, mais il comprit rapidement que Khamill aimait l’escalade et qu’elle s’y débrouillait plutôt pas mal. C’était un premier bon point.

Par contre, elle n’était pas du tout à l’aise dans la foule. D’après ce que pouvait voir Pan, les gens qui la bousculaient ne lui convenaient pas, et elle se laissait quand même déstabiliser pour cela. Notant tout cela dans un coin de sa tête, il l’observa s’avancer vers un étal de fruits et légumes pour se pencher sur les pommes.
Elle était assez discrète, mais son attitude pouvait attirer l’attention des gens qui l’auraient détaillée plus de quelques secondes. Elle parvint néanmoins à attraper une pomme quand le commerçant était tourné, et revint vers lui… en jetant des coups d’œil autour d’elle.
Bon… Ce n’était pas encore ça, mais il faut un début à tout !

Entendant les pas de ses apprenties derrière lui, il tourna légèrement la tête pour les apercevoir s’enfuir plus loin. Ah… elles ne voulaient pas rester ? Etait-ce cet exercice qui ne leur convenait pas ? Ou bien elles ne parvenaient à trouver leur place, ni ici ni ailleurs.
Décidant de ne pas s’en offenser, tout simplement parce que deux jeunes filles n’en valaient pas la peine, Pan coula son regard sur Khamill qui remontait le mur jusqu’à lui.

Quand elle arriva, elle lui adressa un large sourire, ainsi qu’un clin d’œil, avant de scruter la foule.
Prenant une inspiration profonde, il appela son apprentie par son nom pour attirer son attention et son regard.

- Khamill… Elles ne reviendront pas. Elles sont parties, sans explication, et mon rôle n’est pas de leur courir derrière. Personne n’avance contraint, et je ne vais pas les contraindre.

Lui adressant un sourire compréhensif, il s’assit plus confortablement.

- Pour ta petite démonstration… C’est pas trop mal, mais tu as encore des choses à améliorer. Une personne qui t’aurait fixée plus de deux secondes aurait compris tes intentions. Tu étais trop méfiante, tu ne cessais de regarder autour de toi, et tu étais largement repérable. Il faut que tu sois beaucoup plus sûre de toi, les gens te prêteront beaucoup moins d’attention !

Souriant encore à son apprentie, Pan finit par se redresser complètement.

- Maintenant qu’on est perchés, on va le rester. On va se déplacer ici, au dessus du monde. Suis-moi !

Joignant le geste à la parole, Pan s’élança sur les toits.
Il se souvenait parfaitement la manière dont son mentor avait toujours volé au dessus du monde. Elle s’élançait, roulait, glissait, bondissait.. Lui ne pouvait tout simplement pas rouler, c’était physiquement impossible pour lui, et il avait dû palier cette impossibilité en trouvant d’autres manières de se réceptionner pas trop violentes et barbares.
Expliquant à son apprentie cette subtilité – qu’elle pouvait rouler pour se réceptionner – il continuait à courir et à bondir, s’accrochant à bout de bras à des barres de métal pour se propulser, à tourner pour garder de l’élan plutôt que rouler…

Et puis, voir un peu l’endurance de Khamill, sur des exercices aussi variés.












[ Etant donné que Sifae a arrêté le RP et que Zaïa n'a pas répondu depuis 3 mois, on continue sans elles ! ]

- Khamill...

Elle tourna la tête vers son Maître, le regard interrogateur. N'attendait-il pas les autres apprenties pour expliquer ses observations de l'exercice et les leçons qu'il  fallait en tirer ? Sauf que... bien vite la jeune femme comprit que les deux apprenties en question ne reviendraient pas de sitôt. Peut-être, ou sûrement, jamais, en fait. Bon. Elle ne savait pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose ; si elle était contente de se retrouver seule avec Pan ou déçue de devoir quitter Zaïa et Sifae... juste au moment où elles commençaient à bien s'entendre. Dans tous les cas, elle en voulut immédiatement à ses camarades d'être parties ainsi sans rien lui dire, sans rien dire à leur mentor même. Elles avaient un sacré culot ! Et Pan qui ne faisait même pas mine d'être en colère, ni même déçu, encore moins surpris... Khamill fronça les sourcils. Elle ne comprenait pas...

Et puis, bien qu'elle ne fût pas très bien fixée elle-même sur ce qui concernait le Chaos, elle savait au moins que ce n'était pas une Voie qui s'empruntait à la légère, tout comme celle des marchombres d'ailleurs. Filer comme ça, en plein milieu d'un cours – d'un exercice même – était une chose qui lui échappait complètement, surtout de la part de Zaïa et Sifae... elle ne les voyait pas comme ça... Et le fait que Pan ne semblait pas s'en préoccuper d'avantage, ne souhaitait pas les rattraper sur le champ, était encore plus incompréhensible pour elle.

Croquant dans sa pomme, elle finit par hausser les épaules. Après tout, rien ne la concernait dans cette affaire... Elle écouta attentivement les paroles suivantes de son Maître, qui était déjà passé aux commentaires sur sa "démonstration" comme il disait. "Pas trop mal" Hum, un bon point pour toi ma vieille... " Encore des choses à améliorer" Ben j'espère, sinon je serais pas là ! "Trop méfiante", "Largement repérable"... Il exagérait pas un peu quand même ?

- Il faut que tu sois beaucoup plus sûre de toi, les gens te prêteront beaucoup moins d’attention !

Kham termina sa pomme, et faisant tourner le trognon entre ses doigts, elle fixa Pan de ses yeux gris.

Ouais, je sais, encore cette histoire de confiance... Mais voilà, même si j'essayais, j'y arriverais pas, tu vois...

Mais elle ne dit rien, parce que l'Envoleur s'était déjà redressé, un sourire aux lèvres.

- Maintenant qu’on est perchés, on va le rester. On va se déplacer ici, au dessus du monde. Suis-moi !

Khamill eut juste le temps d'hocher la tête, et de penser que les envoleurs pouvaient aussi être un peu poètes, que Pan s'était déjà élancé. Vif, rapide et agile. L'apprentie lança son trognon de pomme en contrebas avant de se lancer à sa suite – et avant que les gens ne se demandent d'où venait le reste de fruit...

La jeune femme s'était quelquefois rompue à ce genre d'exercice à Al-Jeit, en compagnie de Lehm, au même titre que l'escalade. Elle n'était donc pas tout à fait ignorante dans le domaine, et savait effectuer quelques gestes plus ou moins souples lui permettant de se mouvoir et de se réceptionner sur les toits, mais cela restait quelque chose d'assez complexe. Parvenir à maîtriser sa respiration tout en agissant sur la seconde, presque à l'instinct, en essayant de ne pas se faire distancer par l'homme devant elle... C'était surtout ce dernier point qui la gênait, car si elle était assez endurante, la vitesse dans ce domaine n'était pas vraiment son truc – contrairement à l'escalade, qui comportait moins de risques de se casser le nez ! Mais Pan l'attendait de toutes façons, n'était-ce que pour lui expliquer certaines techniques – qu'elle essayait aussitôt de mettre en pratique.

Au bout d'un certain temps, elle parvint à se détacher de l'aspect technique pour apprécier d'avantage l'exercice. Courir, sauter, bondir, rouler, attraper une prise, prendre de l'élan, s'élancer à nouveau... Elle avait presque l'impression de voler ! Plusieurs fois, elle calcula mal ses distances ou faillit rater une prise, manquant de s'écraser au sol ou de s'aplatir sur un toit... Mais les sensations étaient là, et c'était le principal. Alors qu'elle arrivait de mieux en mieux à maîtriser sa respiration, son cœur battait à cent à l'heure, ivre de vitesse dans l'enchaînement haletant des figures. Il lui semblait que le vent la poussait en avant. Il était avec elle...

Et puis, au bout d'un moment, son corps repris le dessus. Kham sentait ses muscles protester, un point de côté commençait à la faire souffrir, et elle avait plus de mal à respirer normalement. Il était peut-être temps de faire une pause, non ?...






[Dommage >.< Mais je suis contente de faire bouger ma petite Kham ! ]

Elle ne se débrouillait pas trop mal.
Non, elle se débrouillait même plutôt bien, cette jeune fille, mais Pan avait envie de lui faire repousser ses limites. Certes, ce n’était que le premier cours, mais désormais elle était seule et il pouvait être bien plus attentif à elle !
Il remarqua évidemment qu’au début, elle faisait exactement attention à chacun de ses gestes pour mieux atterrir, mieux sauter, mieux négocier un virage ou toute autre démarche technique. Puis, petit à petit, elle parvenait à se détacher, à prendre du recul pour voir cette course comme un jeu, comme un chemin qui ne cessait de changer au fil de ses décisions.

Il vit rapidement les signes physiques qui lui disaient qu’elle ne tiendrait plus longtemps. Pourtant, il la poussa encore, avoir encore une fois un aperçu de la manière dont elle tentait de repousser ses limites et la manière dont elle les acceptait. La nuit commençait à tomber, déjà, sur les toits de la cité, et pourtant il continuait, se glissant dans des endroits où l’ombre côtoyait l’obscurité de si près que les yeux avaient du mal à s’y habituer, et qu’il fallait se fier à d’autres sens, à son instinct de survie pour s’en tirer.

Lorsqu’elle commençait à beaucoup trébucher, il ralentit néanmoins la cadence, jusqu’à ce qu’elle risquât sa vie trois fois de suite, se rattrapant tout juste. Alors, seulement, il s’arrêta pour l’attraper par le bras pour l’empêcher de s’écrouler sur le toit, un petit sourire sur les lèvres.

- Redresse-toi un maximum, et essaye d’inspirer lentement. Voilà, encore. C’est bien.

Lorsque la jeune fille eut repris son souffle, Pan la lâcha, vérifiant qu’elle pouvait tenir debout sans son aide, et puis il désigna des escaliers un peu plus loin, pour les descendre et arriver dans une ruelle.

- C’était une journée éprouvante, on retourne à l’auberge. On va manger, dormir, et n’oublie pas de faire quelques étirements pour pouvoir bouger demain.

Lui adressant un sourire tranquille, Pan l’aida à se déplacer quand elle en avait besoin, et la conduisit à l’auberge.




Le lendemain, ils quittèrent Al-Poll.
Pan emmena Khamill encore plus au Nord, et ils finirent par longer la chaîne du Poll le long de ses immenses falaises verglacées. Il voulait que son apprentie découvre les joies de l’escalade sur une vraie paroi, mais toutes celles qu’ils longeaient lui paraissaient vraiment trop techniques pour elle.

Et puis, après que le soleil eût franchit son apogée, enfin une falaise attira son attention.
Un petit sourire étira ses lèvres, alors que son regard suivait la courbe de la roche. Elle n’était pas tout à fait verticale, pas toujours en tout cas, parfois s’inclinant légèrement comme pour aider les grimpeurs, et ses prises n’étaient pas trop compliquées non plus.

- On va grimper ici. Il y a un vent glacial, il va falloir faire avec. Et aussi, essaye d’ouvrir tes sens… Ca te permettra de mieux percevoir ce qui se passe autour de toi. Allez, en route !

Une bourrasque de vent polaire balaya la peau de Pan, qui sourit.
Un nouveau défi les attendait !

Pan avait donc laissé la jeune fille passer devant. Après tout, c’était le but, et au cas où elle aurait à perdre l’équilibre ou autre, il pourrait aisément la rattraper.
Lui-même avait toujours été très à l’aise, vraiment, en escalade. Après tout, son monde n’était pas fait que de plaines, loin de là, et son espèce avait des facilités dans ce domaine en particulier. Son Maître avait d’ailleurs été très surprise par ces capacités, car elle pensait – à tort – que le poids de ses cornes l’aurait déséquilibré en arrière. Ce qui n’était pas faux en soi, mais il avait appris à vivre avec ses cornes, et si son centre de gravité avait bougé depuis son enfance, c’était lentement, et il l’avait bien assimilé. Après tout, durant son voyage pour trouver la Porte, il avait escaladé d’immenses falaises escarpées, et était parfaitement dans son élément, et gagnait même sans difficultés des personnes de plus petit gabarit rompus à l’escalade.

En l’occurrence, Khamill n’eut besoin d’aucune aide d’aucune sorte.
Elle se débrouillait même très bien, et Pan remarqua rapidement – même s’il l’avait déjà deviné – que la jeune fille adorait l’escalade, tout simplement. Il allait falloir exploiter cela, donner des épreuves plus difficiles pour la mettre en difficultés, pour qu’elle s’améliore toujours. On ne se contente jamais de ce que l’on a, c’est le but, car on ne cesse de dépasser les limites. Ses propres limites avant tout.

Alors, quand ils arrivèrent tout en haut, où le vent glacial balayait toute vie possible, Pan se redressa dans les bourrasque de vent et sourit.

- Tu as un bon talent naturel pour l’escalade, dis-donc ! Lui adressant un clin d’œil, il se releva complètement, et une bourrasque glacée le cueillit au creux du ventre. Voulut le cueillir. N’y parvint pas. C’est bien, mais tu as une autre difficulté ici, que tu n’as pas voulu prendre en compte sur la paroi : le vent. Essaye de te redresser, de percevoir ses mouvements, d’anticiper ses colères. Le vent peut être utilisé de tellement de manières différentes, mais surtout pour t’aider sur une paroi ou lors d’un combat. Il faut l’avoir en poupe, apprendre à s’en servir, pour mieux avancer. Il sourit. Vas-y, essaye.

Certes, le vent était glacé, il aurait pu transformer un humain en glaçon jusqu’aux os, mais ils étaient encore suffisamment chauds de l’escalade pour ne pas que cela arrive immédiatement. Pan savait reconnaître les premiers signes de transgression des limites, et dans le domaine du froid ils étaient plus qu’évidents !

Se lever sans se plaquer au sol était compliqué, et rester debout encore plus.
Pourtant, il était là, tel un roc inébranlable, souple et inflexible à la fois. Il souriait, parce qu’il était bien, et parce qu’il était fier. Mais il était aussi curieux de voir ce que Khamill pouvait apprendre et prendre de cette leçon avec le vent.




[ Court, désolée ! ]

- Tu as un bon talent naturel pour l’escalade, dis-donc !

Khamill se redressa du mieux qu'elle put, observant son Maître avec intérêt. Dressé sur la falaise, au milieu du vent glacé, il restait aussi inébranlable qu'un roc ; et avec ses immenses cornes, sa taille qui la dépassait de trente bons centimètres, et sa stature presque aussi imposante que celle d'un Thül, il en paraissait encore plus impressionnant. Presque intimidant. Ce qui n'empêcha pas la jeune fille de savourer ce nouveau compliment : elle était fière d'avoir pu lui montrer ses "talents" en escalade ! Claquant des dents, les cheveux dans la figure et les bras serrés autour d'elle, elle écouta la suite.

- C’est bien, mais tu as une autre difficulté ici, que tu n’as pas voulu prendre en compte sur la paroi : le vent. Essaye de te redresser, de percevoir ses mouvements, d’anticiper ses colères. Le vent peut être utilisé de tellement de manières différentes, mais surtout pour t’aider sur une paroi ou lors d’un combat. Il faut l’avoir en poupe, apprendre à s’en servir, pour mieux avancer. Vas-y, essaye.

Kham haussa un sourcil. Euh, c'est une blague, n'est-ce pas ? Mais d'après le regard et le sourire de Pan, ça n'en avait pas l'air... Comment voulait-il qu'elle fasse corps avec le vent ? Car c'était bien ce qu'il lui demandait, non ? Anticiper les mouvements du vent, rien que ça ! Je ne suis pas devineresse, moi !, voulut-elle protester. Mais repensant à l'abandon des deux autres apprenties, elle se força une nouvelle fois à se taire et à tenter le coup. Elle s'était engagée sur le Voie du Chaos, il fallait qu'elle en assume les conséquences ! Tôt ou tard, elle serait tombée sur un exercice lui paraissant impossible à exécuter. Le moment était venu, voilà tout.

Fermant les yeux un instant, la jeune apprentie tenta de contrer ce froid qui l'envahissait progressivement, pour se concentrer sur le vent. D'où il venait, c'était assez compliqué à dire, puisque les bourrasques qui voulaient la faire basculer semblaient surgir de partout à la fois. Tournant le dos à son Maître, Kham rouvrit les yeux pour observer le paysage en contrebas. Elle préférait l'avoir devant elle plutôt que derrière, c'était déjà un peu plus rassurant.

Elle voulut donc se redresser d'avantage, mais une bourrasque l'en empêcha, si violente qu'elle faillit la plaquer au sol. La jeune femme résista cependant, et resta seulement agenouillée. Elle réussit ensuite à se lever complètement... une seconde plus tard, elle tombait sur les fesses. Elle réessaya plusieurs fois, en vain, avant de jeter un coup d'oeil à Pan. Toujours aussi immobile, il paraissait presque ne pas sentir le vent. Ce type est complètement inhumain ! pensa la petite envoleuse. Inhumain, peut-être. Envoleur, c'était certain.

Enchaînant les soupirs et les cris de surprise, la jeune femme se battit encore dix bonnes minutes contre le vent, persuadée qu'il était un adversaire qu'il fallait vaincre pour ensuite se l'approprier. Elle avait une volonté de fer et un esprit très combattif ; c'est ce qui la fit continuer, malgré la fatigue et l'envie de se coucher sur le sol pour ne plus résister, dormir, oublier le vent et le froid... Et au bout de ce délai, elle finit par s'avouer vaincue. Complètement essoufflée et frigorifiée, elle s'assit sur la pierre gelée, les genoux ramenés contre elle. Elle planta son regard gris, dur comme l'acier, dans celui de son Maître.

- C'est... im...possible... j'y arrive... pas.

Se mordant légèrement les lèvres – complètement bleues –  elle poussa un soupir qui en disant long sur son épuisement et sur ce qu'elle pensait de cet exercice...

Elle avait l'impression de s'être battue contre les remous imbattables d'une Ombre glacée ; et voilà qu'elle avait décidée de s'y laisser noyer...





[Désolée pour le temps de réponse !!]

- Tu n'as pas essayé de faire ce que je t'ai demandé. On ne se bat pas contre le vent, sinon évidemment que l'on ne peut que perdre. Il faut s'intéresser à lui, l'apprivoiser, comme un animal peureux.

Si tu veux, commence avec un bras. Lève la main, et essaye de sentir les bourrasques sur tes doigts, dans ta paume sur ton poignet. Lorsque tu penses y être arrivée, utilise tes deux mains en même temps... Après, tu pourras te redresser.





[ Désolée pour le temps de réponse ! ]

|Ayé, c'est reparti ! xD]

La réaction de Khamill n’échappa pas à Pan, mais il ne la comprit pas du tout. Pas une seule seconde. Pourquoi rougissait-elle ? Pourquoi avait-elle ce regard coléreux ?
Il n’avait fait qu’une simple constatation, et avait essayé de l’encourager. Cela n’avait pas bien fonctionné, apparemment, et il le saurait pour la prochaine fois : peut-être s’y prendrait-il autrement. Peut-être.

Peut-être, parce que finalement, l’apprentie l’écouta, et s’y prit autrement.
Peut-être, parce qu’elle leva la main pour aller doucement à la rencontre du vent. Faire sa connaissance d’une manière plus formelle avant de s’offrir entièrement à lui.

Doucement, elle exposa un peu plus de parties d’elle au vent.
D’abord, la main, puis le bras. Puis les deux bras, le buste, comme si elle enlaçait un amant invisible, qu’elle l’accueillait dans ses bras.
Un léger sourire étira les lèvres de l’Envoleur, tandis que son apprentie en venait à réellement découvrir le vent. Le découvrir, et le comprendre, l’apprendre, l’écouter. Surtout l’écouter. Elle se glissait dans ses courants, et si ce n’était pas parfait, c’était déjà la première idée de la chose qu’il fallait avoir : ne pas se battre contre les éléments, mais les accepter et ne pas se faire battre par eux non plus. Personne ne dominait rien, et l’inverse était aussi vrai.
Parce qu’il ne faut pas pour autant s’abandonner aux éléments.

Plus calme et sereine, l’apprentie finit par retrouver sa jovialité et éclater de rire tandis qu’elle réussissait à se redresser. Cela lui valut de se casser la figure, et Pan ne put s’empêcher de rire un bon coup lui aussi.
Cependant, il avait reprit tout son sérieux lorsque Khamill tourna son visage vers lui.

- Je crois que j’ai compris.

Il hocha légèrement la tête, et un sourire tranquille mais peu prononcé se grava sur les traits de son visage, faisant pétiller ses yeux.

- Je crois qu’en effet, tu as saisi le concept. On n’en a cependant pas fini.

Son sourire se fit plus présent et plus chaleureux.
Il était soudain très content d’avoir eu l’audace de prévoir que la jeune fille ne s’en sortirait pas trop mal. Et puis, ils avaient du temps devant eux !

Cherchant dans son sac, il tendit une nouvelle barre de viande séchée à la jeune fille avant de lui expliquer :

- Mange un peu pour reprendre des forces. On va randonner un peu sur ces pics, la vue est magnifique non ?

Il attendit que l’apprentie finisse son stick de viande pour l’encourager à avancer.

- Ne lutte pas, laisse-toi porter tout en montrant au vent que tu n’es pas son jouet. Il faut jouer avec lui, danser avec lui, car il n’y a aucun qui a la dominance sur l’autre. Nous sommes les partenaires du vent, pas ses jouets.

Il se redressa un peu plus, laissant les flux du vent se couler le long de son corps.
Il n’était pas tout à fait immobile, jouant des courants invisibles, et ses articulations restaient souples.

- On va aller de ce côté, dit-il en désignant la direction de l’Est.

Le sol rocheux était très loin d’être lisse et régulier. Même à cette hauteur où parfois la roche était lissée par les intempéries, elle ne l’était pas : après tout, sur leur gauche, une autre paroi montait encore plus haut, se perdant dans les nuages.

- Passe devant.

En effet, il préférait être derrière son apprentie, au cas où il aurait à intervenir.
Marcher avec autant de vent revenait à un énorme défi, mais surtout un grand effort physique. Oh, il ne voulait pas couvrir trop de distance, mais peut-être amener Khamill à son point de rupture, pour savoir ce qu’elle pouvait donner et ce qui restait à améliorer, mais aussi la manière dont il devait s’y prendre.

L’appprentie avançait, lentement mais sûrement.
Elle n’avait pas complètement assimilé la leçon, et c’était normal. C’était aussi le but de cet exercice, de la mener plus loin dans sa réflexion et sa perception des choses, du vent et de la vie, surtout.
Grimper sur les roches glissantes et irrégulières n’était pas une mince affaire. Le gel recouvrait la plupart des surfaces accessibles, et si Khamill choisissait avec parcimonie son chemin, elle ne pouvait pas éviter non plus tous les passages délicats. Pan n’était jamais loin derrière, et il observait la jeune femme qui faisait son propre tracé, sans trop d’hésitation.

Elle traçait sa route.
Elle traçait sa voie.

Un sourire fendait le visage de l’Envoleur en deux, mais il ne s’arrêta pas pour autant de surveiller la jeune fille. Elle jetait parfois des regards en arrière, pour s’assurer qu’il était là ou peut-être pour le surveiller elle aussi. Elle n’avait rien à craindre de lui, sauf peut-être des remontrances si elle en venait à passer à côté de quelque chose, et donc l’homme en conclu qu’elle avait quelques soucis avec la gent  masculine en général. Il avait déjà noté sa méfiance, qui s’endormait peu à peu sans jamais vraiment fermer les yeux pour autant, se mettant simplement à veiller, prête à refaire surface à la moindre excuse.

Ils passèrent dans une altitude encore plus élevée, doucement, jusqu’à dépasser les nuages, d’abord en marchant dans les gouttes en suspension et donc sans réellement voir complètement leurs pieds, jusqu’à ce que la vue se dégage complètement sur le paysage.

Si Khamill en avait le souffle coupé, et les yeux brillants d’émerveillement, Pan sentit une terrible mélancolie fondre sur lui et embrasser son cœur et ses poumons, le vidant l’oxygène.
Les plateaux d’Astariul s’élançaient vers l’horizon gelé, sous une couche de givre scintillante, et le soleil, au-delà des nuages, narguait le ciel si bleu qu’il en faisait mal aux yeux. Ils dominaient le monde.
Mais cela rappelait terriblement les paysages de son Monde à l’Envoleur, et un long soupir s’échappa de sa bouche, se muant doucement en un très bas gémissement, avant de s’arrêter en même temps que les rafales de vent qui tentaient de les déloger de leur spectacle gelé et iridescent.





Ils redescendirent le lendemain matin, après avoir passé la nuit dans une combe de la roche pour se protéger un minimum du vent et du froid. En haut des Frontières de Glace, il n’y a pas grand-chose à faire brûler, aussi leur feu ne dura pas longtemps – juste quelques heures, avec les brindilles que Pan avait pensé à emporter.

Après cette provision de beauté et d’air pur et frai, le retour à la réalité n’était pas forcément facile, d’autant qu’ils avançaient sur la route qui menait Al-Poll à la Citadelle, pour descendre ensuite le long de la rive Ouest du Pollimage quand ils le croiseraient.

Chaque jour était un nouveau jour, un nouveau défi, un nouvel exercice. Si la plupart du temps ils longeaient les routes pour ne pas se faire aborder trop souvent – à cause des cornes de Pan, qui semaient toujours autant la panique – parfois ils étaient obligés, pour entrer dans un petit village et acheter des provisions. Dans ces cas-là, Pan demandait d’autant plus de discrétion à Khamill qu’elle devait en profiter pour parfaire ses réflexes et surtout sa capacité à utiliser tous ses sens de manière simultanée, sans rien oublier. Ce n’était pas une affaire facile, et plusieurs fois Pan la sortit de situations délicates, mais elle s’améliorait à chaque fois un peu plus et c’était le plus important.

Ils dépassèrent la Citadelle des Frontalier, qui se dressait dans le fond de l’horizon, droite et fière. Inébranlable.
Descendant plus bas vers le Sud, ils longèrent très précautionneusement le Pollimage sur une grande partie de son trajet. Fleuve tantôt indolent, et tantôt aussi puissant que cinq éléphants de front, aux remous impressionnants, il faisait son chemin lui  aussi, tout comme eux.





Pan fit tourner les braises de leur maigre feu du bout d’une branche d’arbre, pour raviver la flamme qui avait tendance à vaciller sous les assauts du vent glacial. Emmitouflés chacun dans une couverture, ils tentaient de se réchauffer tant bien que mal tous les deux, et plutôt mal.

Alors soudain, Pan bondit sur ses pieds et invita son apprentie à faire de même, sous l’éclairage changeant de la flamme qui écartait un peu les ombres nuptiales.

- On va commencer à voir des techniques de combat. Ton corps commence à être suffisamment endurci pour que tu ne fasses pas de bêtises. Souriant à la jeune fille, Pan lui demanda : Pour toi, Khamill, qu’est-ce qui est le plus important dans un combat ? A ton avis, quelles sont tes points forts et des faiblesses ?

Il préférait aborder ces notions selon les réponses qu’elle allait lui donner. Le combat est propre à chacun, à ses perceptions, à ses forces et faiblesses. Avoir une première idée de ses limites avant de se lancer est toujours mieux, et même pour l’apprentissage, cela donnait un fil conducteur.

[Désolée, un peu court après tout ce temps ! ]

Souplesse, endurance, vitesse.
Pan sourit en hochant la tête. En effet, cela faisait partie des qualités principales à développer pour les combats. Khamill avait cependant un peu de mal à connaître ses propres faiblesses et forces : mais cela semblait normal à l’Envoleur, puisqu’elle n’avait sans doute pas beaucoup réalisé de combats dans sa vie.

- On y va ?

Le sourire de l’homme s’étira légèrement, et il hocha lentement la tête. Il assouplit ses genoux, ses hanches, et releva légèrement ses mains jusqu’à la hauteur de ses côtes flottantes, la tête droite, observant Khamill.

- Très bien. On va commencer par un peu de technique, et surtout par la base : ta garde. Comment t’installerais-tu pour faire face ?

Il la regarda faire, et sourit tranquillement. Il lui expliqua qu’elle devait avoir ses membres de telle manière qu’aucun déséquilibre ne soit présent dans son corps ; elle devait essayer d’être détendue, pour pouvoir passer de l’immobilité au jaillissement. Garder ses articulations souples, ses muscles détendus et non pas contractés, et surtout une attention globale.
Pour l’aider à trouver sa position idéale, Pan ne cessait de venir pour la frapper du plat de la main, contenant sa force et sa rapidité pour que la jeune fille puisse se rendre compte de ses erreurs par elle-même. Et lorsqu’elle trouva sa position idéale – pour son corps, ses réflexes et ses propres sens – il l’aida à trouver le bon réflexe de se mettre dans cette position en continuant ses piques.

Lorsqu’il fut certain qu’elle avait intégré cette position, il se recula pour lui sourire, et lui annoncer la suite de l’exercice :

- Très bien, c’est pas mal. Après la garde… Il se retourna pour saisir un sac de couchage dans son sac, et le brandit devant lui. Montre-moi comment tu frappes.

Elle n’avait pas la bonne position de poing, ni de bras.
Il lui expliqua comment positionner son pouce à l’intérieur de ses doigts pour éviter des fractures de phalanges, puis comment garder parfaitement alignés le poignet par rapport au dos de la main et l’avant-bras. Et enfin, les coups, les vrais : la droite, le crochet, les coups de pieds, directs et retournés.

Grâce aux quelques semaines qu’ils avaient déjà passés ensemble, la jeune fille avait acquis un meilleur équilibre et ses muscles s’étaient renforcés, sa souplesse avait légèrement augmenté aussi. Mais entre de simples étirements statiques et des coups de pieds dynamiques qui sollicitaient toute sa musculature et ses chaînes musculaires, il y avait un monde.
Ils enchaînèrent ainsi les différentes techniques, les différents mouvements, d’abord lentement pour acquérir chaque réflexe correctement, puis plus rapidement pour acquérir la puissance que conférait l’inertie.
Les gestes lents obligeaient à contrôler parfaitement les muscles, et les sollicitait fortement. Les gestes rapides requéraient un équilibre et une perception de la dynamique du corps inédite.

Après des heures d’exercices, et alors que la lune se dressait, fière et pleine, juste au-dessus de leurs têtes, presque à son apogée, Pan déclara la séance terminée.
Mais ils étaient loin d’en avoir fini.




Le lendemain, s’ils coururent le matin, leur campement ne changea pas, car Pan était fermement décidé à faire des exercices qui ne demandaient pas de se déplacer réellement.
Après avoir mangé leur petit déjeuner, juste après leur course quotidienne, il se redressa et attrapa dans son sac un petit objet qui faisait un bruit tintant : une clochette.

L’accrochant à sa ceinture, il laissa son regard passer sur Khamill, le sourire aux lèvres.

- Je n’attaque pas, je ne fais que me défendre. A toi d’attraper cette clochette. Rapidité, précision… Tu ne dois rien oublier. Essaye de me surprendre. Ne réfléchis pas trop, agis.

… ne fit que l’effleurer.
Pan avait fait volte-face et effacé sa hanche pour échapper aux doigts de la jeune fille. Khamill avait de bonnes capacités physiques, en tout cas elle était rapide et agile, beaucoup plus que lui avec toute sa masse à bouger. Mais elle n’était pas dans le temps, et c’était ce qui laissait l’avantage à l’homme cornu.

Pourtant, il n’arrêta pas l’exercice tout de suite. Il lançait des conseils à l’apprentie, alors qu’elle continuait de l’attaquer pour attraper la clochette, qui tintait doucement à la hanche de l’Envoleur, l’agaçant sans doute de ce petit son aigu et moqueur.

- Attention à ton genou droit. Tiens-toi droite ! Gaine les abdominaux, on dirait une mamie ! Ton coude, ramène-le vers toi.

Il ne mit fin à l’exercice que lorsque la jeune fille était si essoufflée que l’on aurait pu croire qu’un bœuf les avait rejoint. Un sourire sur les lèvres, Pan lui demanda d’arrêter, et l’aida à s’étirer efficacement pour éviter qu’elle n’ait des crampes tout au long de la fin de la journée : le soleil avait atteint son apogée, et il leur restait tout l’après-midi à voyager !

- Ne t’inquiète pas. L’avantage avec cet exercice, c’est qu’on peut le faire n’importe où !




Durant les deux semaines suivantes, Pan remit sur le tapis l’exercice de la clochette plusieurs fois : au moins tous les deux soirs. Il continuait d’apprendre les rudiments du combat à l’apprentie, qui buvait littéralement ses paroles et s’imprégnait avec facilement des principes fondamentaux.
Elle était douée pour cela, et il voyait bien qu’elle adorait apprendre à se battre.

Ils arrivèrent à la lisière d’Ombreuse par le nord, et à peine eurent-ils franchit la barrière végétale des troncs noueux que Pan désigna les branches au-dessus d’eux, et s’y hissa avec souplesse.
L’Envoleur adorait l’escalade, mais son poids était réellement un handicap sur les branches des arbres Alaviriens, si malingres comparés à ceux de son monde. Cependant, il avait appris à s’en accommoder, et se déplaçait très bien parmi les ramures.

- Déplaçons-nous dans les branches. Prête ?

Du haut de son perchoir, il pouvait voir la légère hésitation de Khamill, avant qu’elle ne vienne le rejoindre. Son corps commençait à changer, à se renforcer, à se muscler, et elle pouvait se mouvoir plutôt facilement dans les arbres. Il fallait simplement tester un peu la résistance, l’élasticité…
Pan lui montra l’exemple. Il se faufila entre les ramures malgré sa large carrure et ses imposantes cornes, tranquillement, sereinement, sans faire de bruit de trop.

Si au début, la jeune fille hésitait un peu, elle comprit rapidement comment s’appuyer sur les branches et évoluer dans cet environnement sylvestre sans toucher le sol. Pan n’était jamais très loin d’elle, prêt à la rattraper si elle ratait une branche, ou si elle tombait, prêt à bondir pour la récupérer.

Ils arrivèrent au Domaine avant-même que le soleil n’eut commencé à disparaître à l’horizon.
Un sourire sur les lèvres, Pan invita Khamill à le suivre, et la fit monter au troisième étage, pour la faire rentrer dans sa chambre, et lui tendre un petit coffre fermé.

- Déverrouille-moi ça !

Lança-t-il tranquillement, avec un clin d’œil.

[Comment ça, "un bœuf" ? C'est l'homme aux cornes qui pense ça ? xD]